Chapter 1 ♠ Silly Kid
1985. L'année de ta naissance et aussi celle de ton abandon, puis de ton adoption. En d'autres termes, tu n'as jamais connu tes véritables parents. Du jour au lendemain, ils t'ont simplement mis en adoption avant de disparaître dans la nature. Tu ne te souviens pas de leur visage et encore moins leur nom. Lorsque tu as été assez âgé pour comprendre qu'ils t'ont laissé derrière pour aller faire dieu sait quoi - probablement vivre leur vie sans t'avoir dans leurs pattes -, tu n'as jamais voulu savoir leur identité. De toute façon, s'ils t'ont abandonné une fois à peine deux semaines après ta naissance, le message ne peut pas être plus clair. Pourquoi retrouver ceux qui ne veulent pas de toi? Une erreur stupide que de vouloir retrouver des êtres abjects.
Jusqu'à tes dix-huit ans, tu t'es baladé de famille d’accueil en famille d’accueil dans une partie du Massachusetts, ce qui t'as transformé en véritable petit monstre indiscipliné. Chaque nouvelle règle était une nouvelle occasion de te rebeller et de tout détruire autour de toi en hurlant à pleins poumons. Chaque interdit se présentait à toi comme une nouvelle aventure. Avec toi, il n'y avait pas de limite aux bêtises. Entre les familles qui te prenaient sous leur aile pour toucher leur stupide chèque à la fin du mois, celle qui te traitait de fils de Satan - cette famille tu t'en souviens encore comme si c'était hier et de leurs coups de ceinture qui t'a laissé au passage quelques cicatrices dans le dos - ou encore celles qui se mettaient en tête de t'éduquer comme si tu vivais dans un camp de concentration, tu en as vu de toutes les couleurs durant ton enfance.
La seule famille dont tu conserves un bon souvenir, c'est celle où tu as atterri de tes douze ans, c'est-à-dire avant le début de ta crise d'adolescence, jusqu'à tes quinze ans. Pendant trois ans, tu as eu l'impression d'avoir une véritable famille où tu n'étais pas simplement un désavantage qui accompagnait le chèque à la fin du mois. Jusqu'à ce fameux soir où il y a eu l'accident de voiture. Tu as eu de la chance, tu n'as pas eu la moindre égratignure. Certes, tu étais un peu sous le choc, mais en apparence tu n'avais rien de grave. Tout le contraire de tes «parents», tous les deux décédés sur le coup. Une perte que tu as mis du temps à essuyer. Encore une fois, tu es retourné dans le système à te faire trimbaler d'une famille à l'autre. Trop jeune pour prendre soin de toi-même, tu n'avais pas le choix de subir la «supervision» d'un couple d'adultes «responsables». Il t'aurait suffi d'un appartement et d'un boulot pour pouvoir t'en sortir seul. Malheureusement, l'humanité avait décidé de te détruire un peu plus. Quelle chance.
Chapter 2 ♠ A Magic Life
C'est à tes seize ans que tu as rencontré ton futur meilleur ami quelques mois avant que tu sois reconnu comme un décrocheur scolaire. Entre ton dossier qui devait bien faire une dizaine de centimètres d'épaisseur et tes notes éternellement en chute libre malgré une intelligence que tu refusais d'exploiter à cette époque, tu ne voyais pas l'intérêt de fournir un quelconque effort. Dans cette chute, tu as entraîné ton meilleur ami, enfin, tu lui as plutôt fait comprendre que l'école n'était pas crée pour vous deux. De toute façon, Boston étant une grande ville et puisqu'elle t'offrait un nombre presque infini de possibilités, pourquoi s'emmerder à suivre le chemin de l'éducation? Puisque tu as toujours été un grand fan de l'art, tu as pris la décision de prendre des cours sur le tatouage. La meilleure idée de toute ta vie. De son côté, ton meilleur ami a pris une voie beaucoup moins légale, mais encore aujourd'hui, son business ne te regarde pas.
Cette même année, ton meilleur ami t'a fait découvrir une toute nouvelle vie grâce à tes propres bêtises. Celle du monde des surnaturels. Tombé par hasard sur un livre de sorcellerie dans une vente-débarras, tu l'avais acheté pour rigoler un peu un soir où tu n'aurais rien eu à faire que de trouver de nouvelles idioties pour te distraire. Jusqu'à ce que tu comprennes qu'il veut mieux éviter de jouer avec des forces que l'on ne connaît pas... Tu te souviens encore de la tête que ton meilleur ami t'avait lancé lorsque tu t'étais mis à lire quelques phrases du livre et que tous les objets autour de vous deux semblaient trembler. Voilà une chose inhabituelle pour un «simple» humain. Après tout, qui sait si tes parents possèdent de près ou de loin un lien avec la magie.
Né lycan, ton meilleur ami t'a expliqué tout ce que tu devais savoir sur ta nature et celles des autres créatures surnaturelles. C'est à ce moment-là que tu as eu l'impression de renaître, de croire que ton existence ne se retrouverait pas emprisonnée dans une prison de vulgaire mortel. Dès tes dix-huit ans, tu as quitté ta fausse famille que tu méprisais au plus au point pour débuter ta nouvelle vie de sorcier. Entre les tatouages, tes nouveaux copains immortels, ton meilleur ami, tes légers ennuis avec la justice à cause de ton tempérament sanguin, tout semblait parfait pendant plusieurs années. Puis, tu as pris la décision de jouer avec des forces que tu n'as pas réussi à contrôler peu après tes vingt-cinq ans. Avide de curiosité face à un nouveau pouvoir et faisant fi des mises en garde de tes semblables ou encore de ton meilleur ami, ton obsession pour la magie noire t'a rendu sourd aux conseils à suivre. Seuls ceux étant des sorciers accomplis peuvent tenter l'expérience, ce qui n'a jamais été ton cas.
Quelques mois plus tard, quelqu'un t'a retrouvé au milieu de ton appartement. Ton corps sans vie jonchant le sol de ton salon. Les poignets tranchés. 2010. L'année de ton suicide. Du moins, c'est ce qu'il est écrit dans le rapport de police. Au fond, tu voulais te prouver à toi-même que le gamin exubérant que tu as été - et que tu es toujours mort ou vivant - pouvait manipuler quelque chose de dangereux sans être un expert. Croire à quelque chose qui va au-delà de ses capacités n'est pas une bonne chose. Pour le comprendre, quoique c'est un bien grand mot pour toi «comprendre» en tant que gamin imbu de sa petite personne, il a fallu que tu paies le prix fort. Défier pratiquement la mort elle-même, il faut avoir un petit pois à la place du cerveau.
Chapter 3 ♠ Beautiful Abyss
Si tu avais su à l'avance ce qu'était la mort, peut-être aurais-tu envisagé le suicide beaucoup plus tôt. Ni paradis. Ni enfer. Que le silence qui te colle à la peau sans que personne ne vienne te déranger. Enfin, plutôt à l'âme vu les circonstances. Tu vas pouvoir rester là, au milieu des «vivants» pour l'éternité sans te soucier de ce qui se passe même si tu as parfaitement conscience de ce qui se déroule sur la planète bleue. Certes, tu as abandonné tous tes amis et tes connaissances ayant un minimum d'importance à tes yeux, pire encore, ton meilleur ami, mais tu peux vivre avec ce pseudo remords sur la conscience pour le reste de l'éternité si c'est pour ressentir ce délicieux confort pour le reste de l'éternité. Tu as fait de nombreuses erreurs au cours de ton existence, mais tu n'es plus obligé de te soucier de tes actés passés. Maintenant, il n'y a ni présent, ni passé, ni futur pour ta petite personne. Rester seul sans que personne ne puisse t'entendre ou te voir ne t'effraie pas une seule seconde. Tu as toujours été un type solitaire qui n'a pas besoin des autres pour te sentir vivant. Quoique, à partir de maintenant le mot «vivant» ne te convient plus. Alors, pourquoi y a-t-il une violente lumière blanche qui cherche à t'aveugler? Cette impression, presque douloureuse, te fait croire que l'on veut t'aspirer ailleurs, loin de ce doux confort qu'est la mort. Pourquoi?! Qu'as-tu fait de mal pour ne pas rester invisible aux yeux des autres? Tu peux toujours rêver pour avoir des réponses.
Chapter 4 ♠ Hellcome
Octobre 2012. Deux ans dans les abysses où tu as eu l'impression que tout s'est passé en un claquement de doigts. Maintenant, tu te tiens debout au milieu d'une rue déserte que tu ne reconnais pas. Il ne faut pas être un génie pour remarquer que l'architecture n'est pas celle de Boston. Ni celle d'une ville que tu as déjà visitée par le passé. Où es-tu?
Bienvenue à Mystic Falls. Non, le nom de cette ville ne te dit absolument rien et tu es incapable de te situer dans ton propre pays. Ce n'est qu'un peu plus tard que tu as su que tu te trouvais en Virginie. De toute façon, ce n'est pas le plus important. Qu'est-ce que tu dois faire pour retrouver ton petit confort? Tu es déjà mort. Mourir à nouveau n'est pas réellement une option puisque tu reviens de là-bas. Bienvenue en enfer Corben. Bienvenue dans le monde des vivants tandis que toi tu es censé qu'être un vague souvenir pour ceux ayant croisé ton chemin.
Chapter 5 ♠ You Can't Die Now
La première fois que tu as croisé un objet qui devait, à la base, te renvoyer ton propre reflet, ça été la crise. Une énorme crise. Pire encore que celle que tu as fait quand tu as compris que tes capacités à manipuler la magie ne reviendraient certainement jamais. Condamné à ne plus te voir à travers un miroir pour un être imbu comme toi n'est pas une chose facile à digérer. Tu ne peux même pas dire que tu es une vulgaire ombre puisque tu n'en as plus. Est-ce qu'en revenant au milieu des vivants tu as perdu ton âme au passage? C'est que tu y crois dur comme fer. Comment pourrait-on revenir de là-bas en un seul morceau? À présent, tu es qu'une coquille vide guidée par ta nouvelle instabilité...
Recommencer tout à zéro dans une nouvelle ville fut le plus difficile à faire. Ouvrir ton propre salon de tatouage afin de continuer de vivre de ta passion - quitte à être coincé ici, autant accomplir quelque chose qui suscite ton intérêt - fut ton seul objectif en enchaînant divers petits boulots. Bien entendu, trouver un toit au-dessus de ta tête est une bonne chose, voilà pourquoi ton appartement se trouve juste au-dessus de ton salon de tatouages. Si tu mènes une petite vie plus ou moins rangée, ça ne t'empêche pas d'abuser des cigarettes et de l'alcool à outrance pour compenser ton «état». Au moins tu ne risques pas de connaître la mort par la faute d'un quelconque cancer ou autres maladies. C'est en quelque sorte ton lot de consolation à cette existence infernale.
Le jour où tu vis ton meilleur ami atterrir dans cette ville, c'est-à-dire dans les alentours de 2022, un cocktail explosif t'a envahi sans que tu puisses le contrôler. Entre la joie de le revoir, la souffrance que tu as ressenti en croyant l'avoir perdu à jamais et cette pointe de jalousie de voir que lui, il peut être considéré comme un «vivant». Cela fut une surprise autant pour lui que pour toi. Venu s'installer dans la ville considérée comme le «berceau des surnaturels» sans vraiment étaler ses véritables raisons, cela n'a pas empêché que votre relation démarre à nouveau, mais cette fois-ci avec quelques changements au programme. Entre la perte de tes pouvoirs et ta personnalité exagérément instable depuis que tu es convaincu de ne plus posséder d'âme, cela n'a pas refréné ton meilleur ami de garder le contact avec toi. Bien entendu, tu vas conserver cette once de jalousie envers lui jusqu'à son dernier souffle.
Au fil des années, tu t'es toujours tenu à l'écart des histoires des «vivants» en menant ta vie comme tu l'entendais, mais un jour ou l'autre, tu n'auras pas le choix d'y faire face que ce soit par obligation, par «survie», enfin si on peut parler de survie dans ton cas ou sinon par choix. D'un autre côté, tu es détruit de l'intérieur et tu n'as rien à perdre à présent, ce qui fait de toi un potentiel mauvais allié. Qui sait si tu peux faire preuve de trahison envers n'importe qui lors de tes crises ou si une situation peut tourner à ton avantage. Eh la loyauté dans ton ça? Ici, c'est chacun pour soi.
Chapter 6 ♠ 2039
Le visage fermé, tu continues de te concentrer sur ton travail, les trois petites aiguilles s'enfonçant depuis plus de quatre heures dans la peau de ton client. Si tu ne tentes pas de faire la conversation, ton client ne peut pas s'empêcher d'ouvrir sa grande bouche pour te déblatérer tout un tas de conneries inutiles. À l'exception de quelques réponses évasives, ce n'est pas toi qui va se donner la peine de raconter ta vie. De toute façon, ça ne regarde personne d'autre, sauf toi-même. Plus le temps passe et plus les mots sortent sa bouche, plus tu fais exprès d'enfoncer un peu plus profondément les aiguilles dans son épiderme en oubliant qu'il faut que tu fasses preuve d'une certaine forme de douceur avec ton client du jour. Au fond, à l'exception de son argent, qu'est-ce que tu en as à foutre de lui? Son petit confort ne te regarde pas et s'il te laissait faire ton job sans éprouver le besoin d'entretenir une discussion, tu ne te sentirais pas obliger de le «punir». À chaque fois qu'un petit soupir trahissant sa douleur s'échappe de sa bouche, tu ne peux pas t'empêcher d'esquisser un vague sourire de contentement. Heureusement que c'est son dos que tu dois tatouer, de cette manière il ne peut pas voir ton expression faciale. Ça t'évite de lui enfoncer ta machine dans l’œsophage sans le moindre remords. Malgré les années, tu continues dans la voie où tu excelles le plus, c'est-à-dire celle de l'art. Imbu de ta petite personne, tu es persuadé que tu es le meilleur tatoueur en ville, pour ne simplement pas dire de cet état ou encore du pays. Décédé ou non, tu manies l'encre et les aiguilles d'une main de maître. Finalement, qu'est-ce qu'il te reste d'autre à l'exception de ton meilleur ami et de ton talent? Rien. Le reste est mort avec toi en 2010. Ton calvaire ne connaîtra probablement jamais de fin. Paix à ton âme. Quelle belle connerie.