SASHA - J'ai toujours rêvé d'être un pirate.

J'ai toujours rêvé d'être un pirate.

Huit heures douze : A l’entrée de la forêt.

A croire que j’avais perdu la notion de l’heure, du temps et de l’espace. Je m’étais réveillée sur un banc et ce que j’avais bien pu faire avant d'atterrir sur ce lit peu confortable, je n’en avais aucun souvenir. Des actions qui appartenaient au passé, rien de plus et rien de moins. J’étais à quelque mètres de l’entrée de la forêt, instinctivement j’y entrais. Je ne savais pas ce que je pouvais bien y faire, je n’avais même aucun but, aucune envie pour ponctuer ma journée d’évènement exceptionnel. Je pensais aux Rivers. Deux frères stupides que je n’avais pas vu depuis un moment. Ezeckiel. Son absence créait un véritable vide en moi. Pourtant, je restais persuadé qu’avant comme maintenant, je pouvais faire sans cet imbécile. Peut être avait-il retrouvé goût à la compagnie ennuyante de Cléo, son idiote d’humaine. Il pouvait bien me remplacer, je n’en avais rien à faire. Je n’avais pas besoin de lui...

Dix heures et trente minutes : Dans une vieille cabane en bois.

Un petit trésor dans ce vaste espace peuplé d'arbres et d'autres végétaux. J'avais marché durant un moment avant de le trouver. Je m'étais même accordée quelques pauses et tenté tant bien que mal à trouver quelque chose à manger. Conclusion, autant être sous forme de louve si je m'improvise une petite sortie dans la nature. En tant qu'humaine, c'était un vrai désastre. Pourtant, le destin m'avait souri ou pour être honnête, j'étais persuadée qu'il avait eu pitié de moi puisque je tombais nez à nez avec une cabane en bois. Enfin. Cabane était un grand mot pour ce qu'il en restait. Un abri peut être était plus convenable.

J’étais donc partie pour jouer à l’Indiana Jones. Mouais. Pourquoi pas. Je prenais un peu d’élan avant de m’élancer dans l’arbre pour me hisser jusqu’à l’abri. Une fois la mission accomplie, je m’accordais un peu de repos, m’allongeant sans crainte sur le bois usé.

Je retirais ma veste, cherchant à me faire un oreiller confortable. En y posant ma tête, un objet dur dans les poches intérieurs m'empêché de trouver mon confort. Alors que je m'apprêtais à balancer cet objet non identifié dans le vide, je réalisais rapidement qu'il contenait quelques jolies pilules colorés. Hmm... Voilà quelques éclaircissements sur les détails de ma soirée précédente. Sans tarder, j'en avalé quelques unes.

Une demie heure plus tard, les premiers effets se faisaient ressentir. L'endroit dans lequel je me trouvais me paraissait plus accueillant et chaleureux. Pourtant, le ciel commençait à se couvrir annonçant l'approche d'un orage.

Un bruit. Le craquement d'une brindille sèche se brisant sous le poids d'un être vivant. Un bruit qui sonnant comme un écho sans fin dans ma tête. Me prenant pour un garde de l'armée royal, je sortais mon nez de la cabane afin d'observer ce qui se passer sous ma nouvelle habitation.

- Attention moussaillon, un pas de plus et je t'égorge !

Une jeune femme. Brune. Un teint de porcelaine, des yeux d'un bleu hypnotique et une bouche rose comme un bouton de fleur me fixait silencieuse. J'arquais d'un sourcil en la voyant ainsi. Pourquoi n'avait-elle pas peur de moi ?! Je me mis alors à gesticuler dans tout les sens afin de l'effrayer comme on pouvait le faire avec un petit oiseau.

J'ai toujours rêvé d'être un pirate.

J'ouvre un œil, ensuite le second, puis je les ferme presque automatiquement, aveuglée que je suis par les rayons du soleil qui filtrent à travers les feuilles. Je les ouvre à nouveau, porte une main à mon visage pour les protéger. Je commence à m'habituer à la clarté du jour, ma vue est de moins en moins brouillée. Je me redresse, je peux sentir le vent sur mon visage, sentir la terre sous mes doigts. Je regarde autour de moi et ne vois que des arbres, à perte de vue. J'ai une impression de déjà vu, sans savoir pourquoi, mais ce sentiment m'envahie. Je me lève, doucement, je sens mon corps courbaturé, endoloris et sans pouvoir dire comment je le sais, je sens que ce n'est pas que le simple fait d'avoir dormi toute la nuit sur ce sol dur, ma tête posée sur cette grosse racine. Le champ des oiseaux si apaisant commence à diminuer, pour se taire complètement. La lumière se tamise, comme si un nuage cachait le soleil. Je sens l'atmosphère se rafraîchir, l'aspect si sympathique et rassurant de la forêt devient plus lugubre et froid. Je sens mon cœur s'accélérait, je suis entourée de pénombre, le danger rode tout autour de moi. Et là, je sens quelqu'un derrière moi, à peine le temps de me retourner que je vois cette grosse branche m'arriver en plein visage et me heurter de plein fouet … Au lieu de tomber de tout mon long, je me redresse, en âge, sur mon lit, paniquée, apeurée, comme bien souvent depuis que je me suis réveillée. Encore une fois j'ai eu une nuit agitée, je n'arrive pas à fermer les yeux sans rêver à des choses bien étrange, des êtres qui s'abreuvent de sang, d'autres qui se transforme en des bêtes féroces, et je me vois moi, au milieu, récitant des incantations magiques, avec deux autres personnes et des choses horribles arrivent ensuite. Des gens meurent, d'autres souffres, disparaissent. Et puis mon réveil se fait de façon brutal, avec le coup qui m'a mis KO. Je n'arrive jamais à voir le visage de mon agresseur, mais je suis presque sûre à 100% que c'est un homme …

Je me passe une main sur mon visage moite et me lève, encore tremblante et fatiguée, tellement épuisée de ne pouvoir trouver le sommeil. Je me dirige dans la salle de bain et prend une bonne douche. Je laisse goutter mes cheveux, ils sécheront bien sans mon aide, m'habille et me dépêche de sortir de ce trou à rat qui me sert de chambre. Pour le moment je n'ai pas les moyens de me trouver un petit appartement, alors je me contente de ma petite chambre dans cet hôtel miteux. Je ne saurais vous dire quelle heure il est, mais il est bien trop tôt pour aller se promener, mais je m'en moque. J'ai besoin de marcher et personne ne m'en empêchera. Je me dirige d'abord vers le parc, longe ensuite le lac, avant de me diriger vers la forêt. Pourquoi là bas ? Qu'ai-je à faire là bas ? Ce n'est pas la forêt où je me suis réveillée, mais cela reste néanmoins une forêt sombre et obscure où il ne fait pas bon de s'y promener, surtout la nuit. Fort heureusement pour moi c'est le matin et sans m'en rendre compte, l'heure à bien avancer. J'oublie d'être raisonnable, chose que je n'ai jamais été de toute façon et je m'avance entre les arbres. Je n'ai pas l'impression d'avoir fait beaucoup de pas avant de me retrouver devant cette pseudo cabane étrange. Mais ce qui est encore plus étrange, c'est d'y trouver une femme des bois à l'intérieur. Bien entendu elle n'a rien d'une femme des bois ou alors les femmes des bois sont plutôt charmantes de nos jours, allez savoir.

- Attention moussaillon, un pas de plus et je t'égorge !

Charmante mais avec quelques cases en moins ou un manque évident de sommeil, je ne saurais trop le dire. Je la vois gesticuler dans tous les sens en proférant des phrases absurdes. Elle est défoncée ou quoi ? Moussaillon ? Depuis quand sommes nous sur un bateau ? Je t'égorge ? Comment ? En tentant de créer une mini tornade en gesticulant ainsi ? A la rigueur j'aurais plus de chance de me pendre d'ennui si elle continue sur sa lancée, mais en dehors de ça, il n'y a peu de chance qu'elle arrive à me faire du mal. Je croise les bras et reste stoïque, n'affichant aucune expression sur mon visage, attendant juste qu'elle arrête de mouliner dans le vent, même si cela à l'air peine perdue … Et après c'est moi la fille bizarre …

« Tu fais quoi là ? Tu chasses les mouches ? » Commençais-je par lui dire avant de reprendre la parole « Sérieux tu vas finir par te coller un torticolis en gesticulant de cette façon et moi je vais vraiment avoir le mal de mer ! »

J'ai toujours rêvé d'être un pirate.

Sa façon de me parler. Vraiment. Elle ne me plaisait pas. Pour qui se prenait-elle ? J'étais arrivée ici bien avant elle donc par la plus simple déduction possible, j'étais celle qui obtenait le droit de diriger et d'être le chef.

- T'as pas ton mot à dire. Tu capitules ou tu seras ma prisonnière!

En réalité, je n'avais pas bien envie de lui laisser la chance de faire un choix. D'une seconde à l'autre, je m'élançais sur elle avec la grâce d'un écureuil volant. Mon visage exprimait une horrible grimace me faisant passer pour une version ratée de Jane de la jungle. Etant parti dans l'extrême du ridicule, j'ai eu la chance, dirons-nous, de ne pas avoir ratée ma cible dans mon saut périlleux. Je ne savais pas si c'était parce que j'étais complètement pétée ou bien que j'avais des reflexes de louve d'enfer que j'étais atterrie sans me faire mal.

Rapidement, de la main gauche, j'attrapais une longue et fine branche pensant qu'elle serait parfaite dans le rôle de l'épée. Je bondissais en arrière, me redressa sur mes deux jambes et pointa l'objet presque dangereux vers ma victime.

- Wingardium leviosa !

Il me fallut quelques secondes avant de réaliser que rien ne se produisait. On ne pouvait pas être un pirate et en plus être un sorcier. Quelle déception ou presque. En réalité, j'étais prise par de violentes crises de fou rire. Bien. Je l'admets. Je n'ai jamais été une fille bien nette mais aujourd'hui, j'ai battu plus d'un record.

L'ambiance était festive pour l'une et certainement très inquiétante pour l'autre. Pourtant toute cette bonne humeur s'estompa avec une incroyable rapidité lorsque le ciel obscurcit par l'arrivé des nuages présagé un orage. Un premier grognement. J'arrêtais de rire aussi soudainement qu'un enfant ayant vu un fantôme. Une impression de déjà vue et pas n'importe laquelle. La plus inquiétante de ma vie. A croire que c'était la baffe dont j'avais eu besoin pour reprendre un peu mes esprits. Il était là. Sa présence, je pouvais la reconnaître, la sentir même après tant d'années. Je regardais la jeune femme près de moi. Je devais m'en assurer et je m'approchais d'elle pour lui chuchoter à demi mot :

- Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre que nous ?

La petite n'avait nullement intérêt de se moquer de moi ou elle risquerait bien de perdre la tête d'une minute à l'autre. Je n'étais pas d'humeur à rire ou du moins, je ne l'étais plus.

J'ai toujours rêvé d'être un pirate.

- T'as pas ton mot à dire. Tu capitules ou tu seras ma prisonnière!

Je la fixe sans vraiment comprendre ce qui ne va pas chez elle. Elle a arrêté de gesticuler, c'est déjà un bon point, mais je la vois s'élancer vers moi, d'une façon absurde, grotesque et loin d'être élégant. Elle atterrit je ne sais comment sur ses deux jambes et je dois avouer que ça m'épate presque. Je ne bouge pas d'un pouce, la regardant faire, mi intriguée, mi ahurit par cette fille bien étrange. Elle attrape une petite branche de bois et la pointe vers moi d'une façon tout aussi ridicule, que pas du tout menaçante.

- Wingardium leviosa !

Je la fixe sans comprendre, qu'est-ce que c'est que ce charabia ? Je sens que ça fait référence à quelque chose, sans savoir quoi. Est-ce qu'elle prend ce morceau de bois pour une baguette magique ? En tout cas ce qui est sûre c'est qu'elle est loin d'être une sorcière ou vraiment elle craint, c'est peut-être pour ça qu'elle se réfugie dans la forêt, les membres de son clan l'on rejeté, trop honteux de la compter parmi les leurs. Bon bien entendu cette théorie se tient si on part du principe que la magie existe et que les sorcières aussi par conséquent, mais moi j'aime bien cette hypothèse, je trouve que ça lui va bien à cette tarée d'être une rejetée. Bon l'hypothèse la plus évidente … non les deux hypothèses les plus évidentes c'est que soit elle est complètement conne, une pauvre simple d'esprit pour qui le paradis lui ouvrira grand ses portes, soit alors elle est défoncée ou bourrée et c'est encore pire que ce que je pensais. Certains ne devraient rien prendre, ça vaudrait mieux parfois, elle est une honte de la nature à elle toute seule. Bon je dis ça, je ne sais pas comment j'étais quand j'étais défoncée ou bourrée, mais cela est si loin, presque une autre vie.

« Bien sûr, bien sûr … tu essaies de faire quoi ? Me changer en grenouille ? »

Oui ne me rappelant pas le film Harry Potter, je n'ai aucune idée que ce sortilège est censé me faire léviter dans les airs et non me changer en grenouille. Il faut croire que ce film et tant d'autres informations d'ailleurs sont parties aux oubliettes avec mon passé. Je la vois se mettre à rire, très certainement parce qu'une blague dont seul elle peut comprendre vient de lui traverser l'esprit dérangé. Je la regarde, sans rien faire, ni rien dire. Je me demande parfois pourquoi ça n'arrive qu'à moi ça. L'orage s'annonce plus menaçant que jamais, peut-être une délivrance, elle va partir en courant pour éviter les gouttes, très certainement se réfugier dans sa précieuse petite cabane et moi je continuerais mon chemin. Quoi que, je n'ai pas peur de me prendre la pluie, par contre la foudre c'est encore autre chose. Les arbres ne sont pas un refuge très sur, loin de là d'ailleurs. Je la vois arrêter de rire, elle devient sérieuse, comme si quelque chose n'allait pas, sans savoir quoi.

- Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre que nous ?

Cette fois-ci ma surprise put se lire sur mon visage, j'écarquillais les yeux quand je la vis s'approcher pour me murmurer quelques mots à l'oreille. Non mais sérieux ? Pourquoi suis-je tombée sur la seule timbrée de la ville ? Je me tourne à droite, puis à gauche, mais ne vis rien. Je réalisais qu'elle devait être vraiment atteinte pour croire que le grondement de l'orage pouvait provenir d'autre chose que de lui.

« Quelqu'un d'autre ? Si ton esprit tordu considère que l'orage est une personne alors oui on est trois, sinon … arrêtes la drogue ou va consulter parce que t'es sérieusement atteinte. »

Je la trouvais vraiment flippante cette gonzesse, elle n'était franchement pas net et elle allait vraiment finir par me coller les jetons. Je préfère donc lui lancer un dernier regard réprobateur avant de m'éloigner d'elle de quelques pas. Il ne valait mieux pas que je m'attarde dans les parages, je ne sais pas de quoi elle est capable.