If it's a broken part, replace it ; If it's a broken heart then face it

-Je suis à vous dans deux petites minutes !

S'excusant d'un sourire poli, elle attrapa le plateau derrière elle avant de s'engouffrer dans le restaurant bondé. Il n'y avait pas à dire, elle avait parfaitement choisi ses horaires -s'il on considérait que la foule lui ramènerait plus de pourboires. La dose de travail allait être considérablement élevée ce soir, pensa t-elle en ramassant les verres vides abandonnés sur les tables. Finalement, en levant son bras pour éviter la collision avec un autre serveur, la jeune femme alla se poster derrière le bar. La vue d'ensemble était parfaitement ajustée, du haut de l'estrade en bois. Oubliant un moment le bourdon du fond sonore, elle entreprit de déplacer son regard sur les clients. Elle arrivait facilement à les classer en deux groupes distincts : D'une part, les habitués du coin. Étonnement, il n'y avait pas tant d'alcooliques retraités que cela -bien qu'elle eu déjà à écouter le récit de certains. La majorité avait, à vue d’œil, entre 19 et 25 ans. D'une autre part, elle avait identifié soigneusement les "nouvelles têtes". Les inconnus, les nouveaux, les originaux ; ceux sur lesquels généralement elle ne s'attardait pas puisqu'ils disparaissaient aussi rapidement qu'ils arrivaient dans le petit restaurant. A ce propos ... Interpellée par le grincement d'une chaise sur le sol, Chloé releva la tête. En face d'elle, l'homme -pas loin de la trentaine peut-être- s'installait tranquillement. Elle le regarda faire un moment, intriguée autant par son physique et sa tenue que par le simple fait que toute la rangée de tabouret était libre. Pourtant, il se tenait là, devant elle, une lueur perdue dans le regard.

-Bonsoir ! Qu'est-ce que je vous sers ?

Les coudes sur le comptoir, elle l'observa du coin de l’œil tandis qu'elle prétendait trier les billets dans la caisse. Rien à faire, elle le trouvait incroyablement mal assorti au contexte spatio-temporel. Ce qui attisait irrésistiblement sa curiosité.

-Vous venez d'ici ?

Voilà maintenant quelques semaines qu'en trainant sur internet, j'étais tombé sur un article d'une école de journalisme non loin d'une petite ville, Mystic Falls. Plutôt littéraire la petite soeur, dés son enfance et nos échanges par courriers je l'avais senti. Ainsi, j'avais retrouvé la trace de Chloé et avait prit un vol dans la minute. Les premiers temps je m'étais prit une chambre d'hôtel mais avait finit par me trouver un petit studio à ma portée. Je ne roulais pas sur l'or. Je ne connaissais pas grand monde en ville mais peu à peu certains visages me devenaient familiers dans l'entourage de ma soeur. Dans un premier temps, je l'avais observé à la sortie de son école puis avait apprit qu'elle travaillait au Mystic Grill, le bar le plus fréquenté de la bourgade. D'abord de la rue d'en face puis de l'intérieur, j'étudiais ces moindre faits et gestes de serveuse. Prise de commandes, direction le comptoir, décompte des billets, nettoyage des tables. Assez répétitif je dois dire. Jamais je n'aurais pu faire une chose pareil. Chaque jour, à la même heure, un jeune homme la rejoignait. Ils discutaient et avaient l'aire proche. Malgré que je n'ai jamais vu entre ces deux là de démonstration affective, je voyais dans les yeux de la petite brune qu'il y avait plus que de l'amitié. Cerné facilement les gens était un trait de caractère qui m'était resté de l'époque où j'étais encore de ce monde aussi bien physiquement que psychiquement. Peut-être l'un des seuls bon côté de ma personne encore intact. Ce soir j'osai enfin m'installer au comptoir, où Chloé s'attelait au nettoyage d'une table. Elle se retourna vers moi. Qu'est ce qu'elle avait grandit ! Ce visage angélique avec les traits toujours aussi fins avait toujours cette même expression que j'aimais tant. Intérieurement j'eu un élan d'affection. La voir me submergeait émotionnellement mais je ne devais rien laisser paraître. Rester neutre, stoïque.

-Bonsoir ! Qu'est-ce que je vous sers ?

- Vous faites les menthe à l'eau avec une petite pointe de grenadine ?

Cette phrase me faisait retomber en enfance. La nostalgie m'envahissait peu à peu. La menthe à l'eau avec une pointe de grenadine était ma boisson préférée étant gamin. Notre mère la préparait divinement bien, avec juste le bon dosage. De la même manière que les autres jours Chloé, tria les billets de la caisse quand elle me demanda :

-Vous venez d'ici ?

Pour ne pas me faire repérer, je détournais la question :

-Ca paye bien serveuse... Chloé ?

M'apercevant de ma boulette, je fis mine de chercher l'étiquette sur le coté droit de sa tenue et esquissais un sourire de soulagement en le trouvant.

Chloé patienta un instant, le temps que l'homme se décide enfin à commander. Elle aurait aisément pu se douter que la réponse de l'objet de sa curiosité serait aussi empreinte d'étrangeté que le personnage en lui même.

-Vous faites les menthe à l'eau avec une petite pointe de grenadine ?

Esquissant un sourire en coin, la jeune femme haussa des épaules. A vrai dire, il était la première entité humaine à lui demander cela. Et bien sûr, la dite-boisson n'était pas à la carte. Elle décida de passer outre, attrapant sous le comptoir la grenadine et la menthe. La recette lui était vaguement familière -du moins, elle en avait l'impression fâcheuse. Dosant à vue d’œil en pinçant la bouche, elle tendit le verre à l'homme. Elle garda dans un recoin de sa tête l'idée d'un remboursement possible si jamais la chose était imbuvable.

-Ça paye bien serveuse... Chloé ?

Elle arqua un sourcil, surprise ; avant de se souvenir de l'étiquette qu'elle arborait sur le haut de son chemisier. L'homme esquissa un sourire soulagé, et elle fronça davantage son front. Il était absolument tout ce qu'elle n'attendait pas : de part ses réponses, son attitude, son accoutrement, le ratio âge/allure ... Plus les secondes défilaient, moins elle semblait être en capacité de pouvoir cerner une image concrète de lui.

-On a vu pire comme salaire. Pourquoi, un job vous tente ?

Un trentenaire récemment divorcé cherchant à refaire sa vie ici ? Un sans-emploi désespéré au point de prendre un poste de serveur ? Un dirigeant d'une des marques qu'elle servait cherchant à la tester ? Oh, encore mieux : un agent secret cherchant une couverture ! La liste était aussi longue que la probabilité de leur échec.

-Et vous vous appelez ... ?

-Ca paye bien serveuse... Chloé ?

Il y avait de la tendresse cachée derrière cette question. Si jamais elle s'était trouvée dans le besoin, j'aurais tout fait pour que de l'argent atterrisse ni vu ni connu dans sa boîte aux lettres. Elle se demanderait de qui ça venait mais jamais elle ne penserait au jeune homme vêtu d'un ensemble original et d'un nœud papillon qui lui avait demandé une menthe à l'eau et à la grenadine. Chloé m'avait apporté ça en quelques minutes, un peu perplexe. Je trempai mes lèvres dans le mélange. Parfait ! Comme maman. Ca doit être dans les gènes des femmes de la famille. Elle me toisait toujours quand elle finit par répondre à ma question :

-On a vu pire comme salaire. Pourquoi, un job vous tente ?

- Peut-être, j'arrive à peine en ville et j'aimerai m'installer dans ce petit coin sympa.

Pourquoi j'avais sortit ça ? J'aurais horreur de nettoyer des tables et de servir des alcooliques dans mon genre. D'un autre côté ça me permettrait de voir Chloé chaque jour sans éveiller ses soupçons et je passerai inaperçu. Peut-être deviendrai-je son ami ? Elle serait ma seule amie. Ma soeur. Je ne voyais pas trop pourquoi elle me dévisageait depuis tout ce temps mais bon je laissais courir. Elle finit par me demander :

-Et vous vous appelez ... ?

Sa question me prit de court. Vraiment. Ca peut paraître idiot. C'est vrai, c'est légitime de demander son nom à un inconnu qui vous aborde. Peut-être mon inconscient avait-il finit par espérer que Chloé me reconnaisse d'une manière ou d'une autre. Qu'elle me voit comme son frère instantanément m'aurait permis de ne pas avoir à faire avec des situations compliquées... Je levai les yeux vers elle, un air un peu honteux sur le visage, puis me concentrai sur le vert de la menthe avec sa pointe de rose avant d'hésiter :

-Mon nom ? Hmmm... Julian

Après ma moue étrange. Je changeai radicalement de sentiment, de ressentis. C'était une nouvelle forme de mon caractère. Un effet secondaire de la magie. J'étais devenu lunatique et arborai un sourire béat. Chloé m'étudiait toujours. Je restai concentrer sur mon verre. Le silence s'installa entre nous et un peu impulsivement je vous l'accorde, je fis le gros gamin et lui fit peur.

Elle l'écouta patiemment expliquer sa situation ; rien d'aussi palpitant à vrai dire -contrairement à ses hypothèses. Un simple nouveau venu en ville. Au moins, elle aurait pleinement le temps d'analyser ce cas si particulier, s'il comptait s'installer définitivement à Mystic Falls. L'esprit soudainement détourné de son intérêt à cause du fond musical du bar, elle manqua presque de capter le prénom tant attendu de l'inconnu.

-Mon nom ? Hmmm... Julian

-Vous en êtes sur ?

Elle pencha la tête sur le côté, intriguée par l'hésitation qu'il avait émis. Un prénom était un prénom, quoiqu'on en disait. Et à moins d'être amnésique, cette chose était peut-être la seule dont on pouvait être à 100% sur. Sous ses yeux curieux, l'homme -Julian, il fallait qu'elle s'en souvienne- changea littéralement d'attitude. Elle avait beau lui donner la petite trentaine, il la fixait désormais comme un enfant de dix ans. Littéralement. Alors qu'elle s'apprêtait à trouver la plus impossible des excuses pour s'absenter un moment, mal à l'aise, Julian trouva bon de tenter de la surprendre. Elle sursauta rapidement, fermant les yeux pour reprendre ses esprits. Sans aucun doute, il semblait ravi. Chloé, elle, penchait sérieusement entre l'envie de le qualifier de décalé ou de psychopathe. Ou peut-être un peu des deux, à la réflexion. Ses jambes avaient décidé de se reculer d'elles-même, installant un distance relativement sécurisée, une fois ajoutée à celle du comptoir.

-Excusez moi, mais j'ai d'autres clients.

Léger mensonge. A vrai dire, il n'y avait qu'une seconde personne qui patientait. S'en contenant, la jeune femme esquissa un mouvement pour s'éloigner en direction des tables. Elle jeta un dernier coup d’œil à Julian ; et se stoppa net. Le visage de l'homme était littéralement passé d'un excès de folie à une expression torturée. Tergiversant en se mordant la lèvre inférieure, Chloé revint finalement sur ses pas.

-J'accepte de rester un peu ici à parler, si vous me promettez d'arrêter de jouer à Dr Jekyll et M. Hyde.

Tout dans mon comportement était étrange depuis maintenant plusieurs longs mois -quel euphémisme - je m'en rendais compte et pourtant je restais ainsi. Derrière cette façade de trentenaire fou, je cachais une grande souffrance psychologique liée à mes pouvoirs de sorciers. J'avais déjà songé à consulter mais comment expliquer à un simple humain mortel mon cas de sorcier fantôme ? Comment lui expliquer que j'avais joué les pyromanes a cause d'une rupture et d'une crise de nerfs sans qu'il n'appelle les flics ? J'avais vite oublié cette idée et m'était enfoncé dans une solitude infinie. Après une lueur d'espoir, le départ de Clay, le seul qui me comprenait réellement, m'avait assommé avant que je meure et j'avais sombré de nouveau dans l'ennui, la boisson et la solitude. Bien que je ne me l'avouerai jamais, chercher Chloé m'avait donné un but dans la vie depuis mon décès. Mais maintenant ? Ma vie allait redevenir monotone. Mon seule espoir était sa présence, et peut être son amour fraternel. Mais tout ça elle n'en avait pas conscience et je faisais tout pour le lui cacher même si elle eu des soupçons en voyant l'hésitation que j'avais à lui donner mon nom. Encore une petite chose qui me reste de mon humanité et de ma vie : ma fierté. Jamais je ne lui imposerai ma présence alors qu'elle semblait heureuse. Lorsque je lui fit peur, je ne pus m'empêcher de sourire quand je la vit reculer d'un pas. Elle me regardait dérouté par mon comportement. J'avais envie d'exploser de rire mais me contint avec difficultés.

 

-Excusez moi, mais j'ai d'autres clients.

 

A ces mots je baissai les yeux et à nouveau je ne contrôlait plus rien. Mes émotions prenaient le dessus. J'avais espérer la faire rire, mais je la faisait fuir. J'avais espérer me lié à elle mais elle semblait avoir peur. Soudain mon rictus précédent me semblai déplacé et m'enfoncer moi-même. Déjà Chloé avait tourné les talons et je la voyais s'éloigner vers les tables. Soudain les talons qui précédemment s'éloignaient, se rapprochaient à présent. Ils s'arrêtèrent et j'entendis sa voix :

 

-J'accepte de rester un peu ici à parler, si vous me promettez d'arrêter de jouer à Dr Jekyll et M. Hyde.

 

Je relevai la tête et lui sourit. J'avais sans aucun doute les yeux brillants. Un peu honteux j'eu un coup de chaud et sûrement mes pommettes rosissaient à la seconde où je vous parle. Elle était restée debout attendant une quelconque réponse de ma part :

 

-Je te le promet... petite s..., murmurai-je sans grande discrétion

 

Et c'est repartit. Des gaffes, encore des gaffes. Je ne pouvais m'en empêcher. Peut être mon subconscient voulait-il que je dise tout à Chloé. Heureusement je n'avais pas finit ma phrase. Je la questionnai alors :

 

-Tu... vis avec tes parents ? Enfin je peux te tutoyer dis-moi ?

 

A peine avait-elle prononcé sa réponse qu'un sourire béat s'installa sur le visage de Julian. Elle s'étonna elle même à esquisser un rire, abasourdie qu'elle ai réussit à le calmer comme cela. Attendant patiemment qu'il lui réponde, la jeune femme attrapa un second verre derrière elle en y versant la même commande. Elle était curieuse, certes, mais pas au point d'aller boire dans le verre d'un de ses clients. Soucieuse de ce que pouvait et allait penser le patron, elle se contenta de déposer un billet dans la caisse pour calmer sa culpabilité. Tentative de vol ? Du tout, monsieur le juge. 

-Je te le promet... petite s...

Chloé reposa le verre immédiatement, manquant de s'étouffer. Arquant un sourcil, elle fixa les yeux écarquillés Julian qui -faute de mieux- bafouilla une nouvelle question. 

-Tu... vis avec tes parents ? Enfin je peux te tutoyer dis-moi ?

Encore désireuse de savoir comment la phrase précédente était censée se terminer, la jeune femme prit tout son temps pour trouver une réponse adéquate -et, elle devait l'avouer, frustrer son interlocuteur. Le fixant dans les yeux, elle soupira en craquant la première. Elle était trop faible pour ce genre de chose.

-Pourquoi pas. Et non, je suis en colocation avec des amis un peu plus bas en ville.

Elle sirota lentement la boisson, s'étonnant du goût plutôt agréable. A vrai dire, le mélange lui était assez familier. Par curiosité, la jeune femme lança toutefois un regard en biais à la carte des boissons, histoire de s'assurer qu'elle n'en avait jamais servit. Elle tendit son verre devant elle comme s'il s'agissait d'un alien avant de le reposer en haussant les épaules.

-De la famille en ville, Julian ?

Quand je lui avais fait ma promesse, je n'avais pas été très discret. Tellement peu qu'elle faillit s'étouffer avec la menthe à l'eau avec un peu de grenadine qu'elle s'était servit quelques minutes plus tôt. Chloé me fixait l'aire suspect, interrogateur. En à peine une rencontre j'avais éveiller ces soupçons. Je vis sur son visage qu'elle hésitait à répondre à ma question. Si elle me demandais quel était le mot que j'avais laissé en suspend : que dirais-je ? Serveuse ? Peu crédible on est d'accord. Je serais alors obligé de tout lui révéler. Quel désastre... Toujours plus à l'aise avec le tutoiement j'attendais qu'elle me réponde :

-Pourquoi pas. Et non, je suis en colocation avec des amis un peu plus bas en ville.

Pour tout vous dire, sa réponse ne me convenait pas vraiment. Derrière cette question, je voulais savoir si mes parents étaient eux aussi à Mystic Falls ou s'ils étaient restés à Chicago... Néanmoins, savoir qu'elle vivait avec des amis, ne me plaisait que moyennement. Le brun vivait sûrement avec elle : d'où ces venues régulières à la fin du service de Chloé. Que sais-je ce qu'ils font d'autre ? Je plissai le nez à cette pensée. Pas question qu'on la touche. Sans en rajouter, peut-être que si ça n'avait tenu qu'a moi, ma petite sœur resterait vierge toute ma vie et n'aurait jamais grandi... Imaginer tout ça : poua ! Donc je m'arrête. Comme si une malédiction c'était abattue sur moi ma question fit enchainer Chloé :

-De la famille en ville, Julian ?

De plus en plus mal à l'aise, je me tortillais sur ma chaise. Mes mains devenaient moites. Le stress montait de plus en plus rapidement. J'avais chaud. De plus en plus chaud. Ma température corporelle devait atteindre les 39°C. Pour occupé mes mains je tentai de remonter frénétiquement mes manches. Qu'allais-je encore dire ? Lui mentir ? Je ne pouvais pas. Déjà que lui dire que je m'appelais Julian était difficile alors nier sa présence... I - M - P - O - S - S - I - B - L - E ! Je me raclai la gorge :

- Effectivement, mais c'est un peu compliqué : si tu vois ce que je veux dire...  

 

 
 

Avalant de plus belle une gorgée relativement conséquente de sirop, la jeune femme s'étonna à peine de la réaction de Julian. Elle ne l'avait pas encore complètement cerné, mais dans tous les cas, elle avait compris son aversion profonde pour les questions en tout genre. Du moins, c'était ce qu'elle avait déduit des quelques minutes qu'ils avaient passés ensemble.

- Effectivement, mais c'est un peu compliqué : si tu vois ce que je veux dire...  

La bouche pleine, elle haussa vaguement des épaules tout en déglutissant pour faire passer le liquide.

-Je ne vois pas du tout, mais je vais me contenter d'acquiescer si ça peut te rassurer.

Elle lui adressa un clin d’œil avant de servir paresseusement un habitué sur sa gauche. Sourire poli affiché sur son visage, elle essaya pourtant de garder au mieux son calme en vu de la lenteur avec laquelle le client lui rendait la monnaie de sa commande centime par centime. Elle lança un regard en biais vers Julian, toujours nerveux au possible -et désormais perdu dans l'exercice maniaque du remontage de manches. Sur un coup de tête, elle attrapa un billet dans le porte-monnaie de l'homme, repoussant vers lui la somme semblable amassée des pièces. Elle tendit le bras pour encaisser l'argent, attrapant au passage un stylo bleu quelconque.
Sans prévenir Julian pour le moins du monde, Chloé dénoua ses doigts pour retourner une de ses paumes vers elle. Arrachant le bouchon du stylo avec ses dents, elle commença à inscrire consciencieusement les numéros avant de signer de son prénom.

-Si jamais ça ne va pas, tu peux me joindre à ce numéro. Et je devrais être ici aux mêmes horaires tous les week-ends sauf grande exception.

A la façon dont il sourit comme si elle venait de lui offrir le plus beau des cadeaux de Noël, elle eu du mal à se résigner à retirer son étiquette avant d'attraper sa veste en jean.

-Fin du service pour moi, j'ai des cours à revoir.

En une rencontre, Chloé avait réussit à toucher le point sensible, la partie de moi la plus difficile à montrer refaire surgir. A l'instant même où elle connaîtrait mon identité, tout changerai certainement. Peut être en bien. Peut-être en mal. Mais pas seulement entre nous. Tout changerais certainement en moi. Et que se passerait-il quand elle apprendrait pour ma mort ? Comment réagirait-elle ? Allait-elle être triste ? Peut-être mon décès ne l'atteindrait pas... Tant de questions à son sujet se bousculaient dans ma tête. J'espérais vainement qu'elle ne me demande pas de développer l'aspect compliqué de mon histoire, de notre histoire... A mon grand soulagement elle n'insista pas :

-Je ne vois pas du tout, mais je vais me contenter d'acquiescer si ça peut te rassurer.

Elle accompagna ses paroles d'un clin d'oeil. Etais-ce le signe d'une complicité naissante ? J'aimais l'espérer. Elle me rassurait, mais de nature anxieux, je ne cessais de m'imaginer la suite de ces premières retrouvailles, si elle avait voulut en apprendre plus sur moi et donc sur ces années d'absence et d'abandon. Quand Chloé était face à moi, que je pouvais voir mon reflet dans ses yeux, je me sentais terriblement lâche. Comment avais-je pu la laisser seul ? Où était parti le grand frère si présent et attaché à sa cadette ? Evaporé tout comme ma dignité, le jour où tout à basculer dans ma vie ? A présent, avec le recul je me rend compte à quel point j'ai été faible et à quel point j'aurais du m'accrocher. Clay avait toujours essayer de me secouer et peut être serait-il arrivé à bout de ma carapace mais ça c'était déjà il y a ce qui me paraît des siècles... Il est clair que sans son aide, certes éphémère, je ne serais pas assis ici à parler avec ma soeur...

Alors que tout ces pensées se bousculaient dans ma tête et que je remontais frénétiquement mes manches, Chloé servait un client. Ca faisait déjà cinq minutes qu'il était là, toujours aussi lent. J'admirai le calme olympien qu'arborait ma petite soeur. Ca aurait déjà fait deux minutes que j'aurais exploser et virer ce petit homme à l'attitude fort peu sympathique. J'avais détourner mon regard d'eux quand je vis Chloé, bouchon de stylo dans la bouche, inscrire quelque chose dans sa main. Je n'y prêtai pas plus attention que ça, quand : paume vers moi, elle dit :

-Si jamais ça ne va pas, tu peux me joindre à ce numéro. Et je devrais être ici aux mêmes horaires tous les week-ends sauf grande exception.

Je me concentrai au maximum pour retenir la série de chiffres qui formait son numéro de téléphone. Elle avait inscrit "Chloé Rosenbach" au dessous. Comique ! Comme si je ne connaissais pas son nom... Elle ne pouvait pas le savoir on est d'accord. Un sourire se dessina malgré moi sur mon visage. Chloé faisait un pas vers moi. Moi qui pensait que mon caractère si étrange là révulserai. Je m'étais trompé. C'était mal la connaître et j'en avait conscience. Tant de changements s'étaient opérer depuis... je ne sais même plus le nombre d'années. Une chose est sûre, elle est toujours aussi attentive aux autres qu'étant gamine.

-Fin du service pour moi, j'ai des cours à revoir.

Déjà ? On s'était vu à peine quoi : un quart d'heure ? Une demi heure à tout casser ? Je finis rapidement mon verre et déjà elle enfilait sa veste. Je n'avais pas envie de la laisser partir étudier, notre entrevue avait été si...courte. J'osai lui demander :

-Je te raccompagne...?