La quête de la vérité [Niels & Abi]

Niels Ҩ Abigaël

« Prémices de la quête vers la vérité  »  

Assise à une table dans le fond de la salle du Mystic Grill, un grand café devant elle, Abigaël se posait des milliers de questions. Avait-elle fait le bon choix en venant ici ? Qu’allait-elle découvrir ? Qui – ou quoi – était responsable de la mort brutale de son père ? Et surtout : que faisait donc John Sinclair dans cette contrée ? Plus elle parcourait les notes de son paternel moins elle avait le sentiment de le connaître au final.

Arrivée depuis à peine  deux jours en ville, elle s’est trouvé une petite chambre d’hôtel sans trop de difficulté. Elle a passé les trois quart de son temps dans sa chambre, à éplucher tous les documents trouvés chez son père, en essayant désespérément de comprendre et de rassemble le puzzle. En vain. N.P, Szayel, Klaus… Etait-ce des personnes bien vivantes, des noms de code, des pseudonymes ?

Et quel était le rapport entre la veine de vénus, les lapis lazuli, le soleil, des bijoux ? En quoi la verveine était-elle aussi intéressante pour son père, hormis pour se faire une infusion ? Tout cela lui échappait et la frustrait au plus haut point. Elle avait beau se remémorer les histoires de son enfance, cela ne l’éclairait pas plus. Dans les contes, ce sont des croix, de l’eau bénite et de l’ail pour tenir éloigner les vampires.  Les vampires… alors était-ce vrai ? Existaient-ils réellement ? Y en avait-il là, en ce moment, à Mystic Falls ? Pire, dans le bar où elle se trouvait ? Comment le savoir ? Comment les reconnaitre ? Si tant est que ce fut possible. Elle avait vu la vidéo diffusée sur le net, la soi-disant révélation au monde entier de l’existence des suceurs de sang. Ici même, dans cette petite ville des Etats-Unis. L’image n’était pas très nette, tout allait très vite, elle n’aurait su dire si c’était réel ou un fake.

En proie à un début de migraine, la rouquine secoua la tête, et bu une gorgée de café, qui avait refroidi.  Abi entreprit de fouiller dans son sac à la recherche d’un cachet d’aspirine, et tressaillit au contact de la lame froide de la dague en argent qu’elle avait « emprunté » à son père… sans vraiment savoir pourquoi, elle l’avait mis dans son sac, juste au cas où. Au moment où elle sentit sous ses doigts le tube de médicaments, un mouvement près d’elle la fit sursauter. Surprise, Abigaël releva le visage vers son « visiteur ». L’étoile qu’il portait sur sa poitrine lui indiqua qu’il s’agissait du shérif. Avait-il vu la dague ?

« Je peux vous renseigner ? » demanda-t-elle d’un ton beaucoup moins amène qu’elle ne l’aurait souhaité. Le climat de cette ville était si… particulier, qu’il était difficile de ne pas devenir parano. Surtout lorsque l’on « enquête » sur la mort de son propre père.

D’un  léger signe de tête, Abigaël consentit à ce que le shérif prenne place à sa table. Tandis qu’il s’asseyait en face d’elle, la jeune femme sortit le flacon d’aspirine de son sac, tout en prenant garde de bien refermer celui-ci. Inutile que cet homme voit la dague en argent qui trônait entre son portefeuille et son téléphone portable. Téléphone qui était au demeurant éteint depuis son départ de Londres. Son frère avait déjà dû lui laisser une bonne dizaine de messages incendiaires, si ce n’est plus. Elle le rappellerait. Plus tard. Elle avait d’abord une mission à remplir.

Tout en insérant un comprimé entre ses lèvres, Abigaël observa le flic. La quarantaine, plutôt bel homme, il inspirait confiance en apparence. Le privilège de l’uniforme sûrement. Son regard se posa sur la petite broche nominative située sous son étoile. N. Pritchard. N.P. Etait-ce cet homme dont faisait allusion son père dans ses notes par le biais de ces initiales ? La rouquine eut un froncement de sourcils. Si N.P était bien là face à elle en chair et en os, l’assassin de son père ne devait pas être bien loin non plus. Mais cela impliquait bien d’autres complications en plus… mais aussi qu’elle touchait au but bien plus rapidement qu’elle n’aurait pu l’espérer.

"Serait-il possible que vous soyez la fille d'un certain John ?"

Une douche froide ne lui aurait pas fait plus d’effet. La jeune femme darda ses prunelles azur sur son interlocuteur. Comment pouvait-il savoir ? Elle ne l’avait jamais vu de sa vie. Ton père. Il aura parlé de toi. Et apparemment, les rouquines à Mystic Falls ne courent pas les rues. Suffit d’être perspicace. En prime il est flic. Mais comment être sûre qu’il soit de confiance ? Elle opta pour une réponse biaisée.

« Possible oui. Mais John est un prénom très commun, alors comment être certaine qu’il n’y a pas méprise sur la personne ? » lâcha-t-elle prudemment. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine, résonnant jusque dans ses tempes, n’arrangeant pas sa migraine naissante. Elle avait envie de faire confiance en cet homme, son instinct lui soufflait que oui, mais une petite voix lui ordonnait de demeurer sur ses gardes. Et si s’en était un ? Un quoi ? Un vampire… Tsssss, les vampires ne sortent pas le jour de toute façon, ils ne supportent pas le soleil. En es-tu sûre ? …. Oui… enfin, je crois. Ah ! Ah !! La petite voix de sa conscience marqua sa victoire d’un rire moqueur.

« Et vous, vous êtes ? » Elle connaissait déjà plus ou moins la réponse. N. Pritchard, shérif de Mystic Falls. Mais elle voulait l’entendre le dire. « Vous pouvez m’expliquer comment le shérif d’une petite ville perdue au milieu de l’Amérique du Nord connaitrait mon père, Anglais pure souche ? »

Abi espérait qu’au moins, Pritchard jouerait franc jeu avec elle. Si vraiment il connaissait John, et était un allié, il était en mesure de lui apporter toutes les réponses nécessaires. Savait-il pour son décès ?

"Votre nom est Abigaël et.. vous avez un frère, un grand frère."

Touché…  Ok, il connaissait réellement son père. Et pour qu’il la reconnaisse aussi aisément, peut-être même que John lui avait montré des photos de famille… ce qui signifiait qu’il avait confiance en cet homme. Un bon point. Mais cela n’expliquait pas comment ils avaient pu se connaitre, ni quel lien les reliait tous les deux. Et c’était sur cette part d’ombre qu’Abigaël voulait lever le voile en priorité. La suite n’allait pas la décevoir.

. "Eh bien.. Nous avons travaillé ensemble sur quelques affaires, mais je n'ai aucune nouvelle depuis au moins deux mois. Le dernier cas sur lequel il s'est penché étant dangereux, je suis inquiet de savoir s'il va bien. Il passait souvent sur le continent et notamment ici, c'est pour ça que je le connais."

Le cœur d’Abi se serra. Niels Pritchard ignorait donc que John était décédé. Elle demeura silencieuse un moment, analysant les maigres informations qu’il venait de lui fournir au sujet de son père. Ils travaillaient ensemble… mais dans ou sur quoi ? Officiellement, son père était promoteur immobilier, se déplaçant souvent sur des chantiers en cours en Angleterre et parfois à l’étranger. Du moins c’est ce qu’il prétendait. Mais quel était le rapport professionnel entre un promoteur et un shérif ? Visiblement aucun, et leurs activités étaient très certainement toutes autres. Un cas dangereux…. Ça voulait dire quoi ?  

« Mon père a été tué il y a deux mois de cela. Son corps a été retrouvé à quelques dizaines de kilomètres d’ici, dans les bois, non loin d’un motel. » murmura-t-elle, les yeux rivés sur son café froid. « Je suis navrée… j’ignore si vous étiez vraiment proche ou non… »

Elle apposa son regard sur Niels, emplie d’interrogations muettes et d’espoir. Il était pour le moment le seul lien tangible d’avec son père, et surtout susceptible de savoir ce que John avait soigneusement caché à sa famille depuis des décennies. Et l'identité de son meurtrier…  

« Vous dites que vous avez travaillé ensemble. Mais c’était quoi comme boulot au juste ? Et ce cas… dangereux ? C’est-à-dire ? Vous pensez que cela a un lien direct avec son meurtre ? » Bien sûr que oui cela en avait un… Comme par hasard, il y avait deux mois. Tout coïncidait. « Ecoutez… vous allez peut-être me prendre pour une folle, mais j’ai trouvé des documents et des notes chez mon père… des trucs bizarres, sans queue ni tête… Vos initiales apparaissent dessus, ainsi que quelques autres noms… et des allusions aux… » Abi se stoppa net. Ce coup-ci, il allait sûrement la prendre pour une folle. A moins que…  « Aux vampires. » acheva-t-elle dans un souffle, détournant le regard.

« Je vous en supplie, si vous savez quoi que ce soit, dites –le moi…  Je suis venue ici pour découvrir la vérité, et surtout savoir qui était réellement mon père… Et surtout que sa mort ne demeure pas impunie. » dit-elle enfin, après une profonde inspiration. Elle espérait sincèrement pouvoir faire confiance en son instinct concernant Pritchard, et trouver en lui un allié.

Au fur et à mesure que Pritchard lui révélait la vérité au sujet des activités de son père et lui-même, ainsi que de l’existence des vampires, Abigaël avait la sensation d’être au bord d’un gouffre, aspirée par le vide. Alors elle était là l’explication. Les absences répétées de son paternel, la cause de son décès… Elle resongea à son enfance, à tous les livres traitant du surnaturel dans la bibliothèque de John. Toutes ses histoires qu’elle avait pu lire, qui avaient bercé ses jeunes années. La virulence de son père à la tenir éloignée de tout çà, à la convaincre par A+B que tout ceci n’était que des fadaises, des histoires pour faire peur aux enfants trop crédules comme elle.

Pour mieux l’éloigner de la vérité qu’elle avait toujours touché du bout des doigts, il l’avait envoyé en pensionnat, et ce durant plusieurs années. Au fond d’elle-même, elle lui en voulu terriblement. Elle savait qu’il avait fait ça pour la protéger, mais en se faisant il lui avait menti. La jeune femme avait la désagréable sensation d’être dans un mauvais rêve. Ainsi donc les vampires existaient réellement… Et elle n’était pas folle. Peut-être qu’elle aurait préféré au final.

Pritchard avait sincèrement l’air touché par la nouvelle du meurtre de Sinclair. Sans doute culpabilisait-il de ne pas avoir pu l’empêcher. Mais Abi était bien placée pour savoir à quel point son père était borné par moment, et pour cause, elle l’était tout autant. Elle songea alors à son frère. Etait-il dans l’ignorance ou bien avait-il suivi les traces de leur paternel ? Un frisson lui parcouru l’échine à cette idée.

« C’est drôle… Quand j’étais petite, j’étais persuadée que les vampires – et les autres créatures- existaient vraiment. Mon père avait une collection de bouquins à ce sujet, et je ne pouvais m’empêcher d’aller les lire en cachette. Il a toujours tout fait pour me persuader du contraire… » La rouquine eut un sourire désabusé. « Il y était parvenu. J’étais devenue jusqu’il y a peu une femme rationnelle et très cartésienne. » Et il avait fallu que John décède sous les crocs d’une de ces créatures pour qu’elle sache enfin la vérité. Et que son univers si rassurant s’écroule. « Le plus triste dans tout ça, c’est qu’au final il a toujours été un étranger, menant une double vie… »

« Apprenez-moi, s’il vous plait. » Elle planta son regard dans celui de Niels, plus déterminée que jamais. « Tout ce qu’il faut savoir sur eux, comment les vaincre, comment me battre, ou manier les armes… je veux tout savoir. » Il était hors de question qu’elle soit mise à l’écart une fois de plus. Restait à savoir qui était l’ennemi au juste, et comment le trouver. Visiblement, Pritchard n’avait guère envie de l’affronter, et son père lui, avait essayé mais payé le prix fort. Mais elle était farouchement déterminée à aller jusqu’au bout.

« Et ce vampire… si dangereux. Vous savez qui c’est ? Que savez-vous de lui ? Il est ici d’après vous ? Quel est son nom ? »

Abigaël ne pouvait contenir le flot de question qui franchissait ses lèvres. Son esprit était en ébullition, tentant désespérément d’analyser toutes les nouvelles données que le shérif venait de lui transmettre. Mais connaitre enfin la vérité la soulageait au plus haut point.

Les protéger elle et son frère… Etait-ce vraiment les protéger que de les laisser dans l’ignorance du véritable monde qui les entourait ? Et toi tu réagirais comment s’il s’agissait de la vie de tes propres enfants ? Probablement qu’elle en ferait de même. Peut-être qu’elle-même regretta dans un avenir plus ou moins proche de savoir. Un monde rationnel était un monde rassurant avec ses limites et ses lois. Mais ce monde ci ? Tous ses repères allaient prochainement – si ce n’était déjà fait – complètement chamboulés. Qui serait donc capable de plonger son propre enfant dans la réalité de cet univers ? Abigaël expira lentement, s’exhortant au calme.

Pritchard était prêt à l’aider, et à lui transmettre son savoir. Finalement, dans son malheur, la chance commençait peut-être à lui sourire… Nul doute que John Sinclair devait se retourner dans sa tombe. Si les fantômes existent aussi, prépare-toi à être hanté par le courroux de mon père, shérif… A cette idée, la jeune femme ne put réprimer un sourire.

« Je vous promets d’être une élève attentive et motivée. » Elle hésita un instant. « Je vous remercie pour ce que vous faites. Vous savez, mon père avait énormément de connaissances, mais très peu d’amis. Nul doute que vous en faisiez partie… il vous avait jugé digne de confiance. Je vais en faire de même. »

Savoir que l’assassin de son père avait quitté la ville était une grosse déception pour Abi. Mais au moins elle aurait le temps de se « préparer » avant de l’affronter. Elle se doutait que son apprentissage ne serait pas une partie de plaisir. Fort heureusement, elle était plutôt sportive, et en pleine forme. Quand elle était plus jeune, l’un des passe-temps favori de son père, avec son frère, était le ball-trap. Abigaël se débrouillait plutôt pas mal au tir à fusil à l’époque, mais elle n’avait plus pratiqué depuis plusieurs années.

« Vous savez dans quelle ville il est actuellement ? » Fut-il à l’autre bout du continent, elle ferait le déplacement pour le retrouver. Coûte que coûte. Elle sorti un carnet de note de son sac et le tendit à Niels. « Ce sont des notes de mon père. C’est brouillon, enfin pour moi en tout cas, mais il y a quelques noms qui y apparaissent, peut-être qu’ils vous diront quelque chose… » Abigaël était persuadée que le tueur figurait dans ces noms. Szayel, Klaus, Kol… et quelques autres. Pritchard lui demanda son métier. Il était certain qu’être shérif était un avantage non négligeable pour chasser les créatures de la nuit. Elle était loin d’avoir les mêmes bagages.

« Je suis médecin urgentiste. Ça me donne des points ? » Une pointe d’humour ne pouvait pas faire de mal au vue de la situation. « Autrement, si vous êtes à la recherche de… compétences, j’ai fait du ball-trap il y a quelques années, je sais piloter un hélico, monter à cheval… »

La conversation prenait une tournure qui amusait passablement la rouquine. Elle ne put s’empêcher de faire la comparaison avec un entretien d’embauche. Quelles sont vos qualités pour ce poste ? Et vos défauts ? Vos motivations ? Ce qui l’amena à la question qui lui brûlait les lèvres.

« Dites-moi, qu’est-ce qui vous a amené à devenir un chasseur ? Ça fait longtemps que vous faites çà ? »