We can find another way ft. Lincoln

C’était terminé. Klaus avait récupéré la cure. Tout le monde pouvait rentrer chez soi. Mais Lincoln n’était pas vraiment d’humeur à aller s’enfoncer confortablement dans un fauteuil ce soir. Son taux d’adrénaline était encore bien trop élevé et il avait terriblement… soif. Autour de lui, c’était le carnage. Alors qu’il marchait au milieu des cadavres l’air de rien, son regard se perdit sur chaque visage. Avait-il des remords ? Non. Il détacha son regard des cadavres. Il était entrain de nier la réalité qui se trouvait à ses pieds. Plus rien n’avait d’importance depuis que Brooke était parti. Les innocents pouvaient mourir, les chiens de Marcel pouvaient se nourrir en toute tranquillité, l’hybride n’en ferait rien.

Puis il remarqua quelques personnes encore vivantes. Leurs cœurs battaient encore.

« Vos cris me cassent les oreilles. » dit-il dans un soupire.

Attiré par leur sang encore frais, il les approcha un par un pour s’abreuver et abréger leur souffrance.

« Reposez en paix. » chuchota t-il ensuite à chacun d’entre eux en leur fermant les yeux. C’était devenu son rituel.

Une fois sortie de la boucherie, il se retrouva sur la place principale de la ville. Il s’écroula sur un banc, essuyant le sang qui lui couvrait la moitié du visage. Pendant un instant, il songea à l’intérêt de tuer toutes ces personnes pour une cure. Cependant, la pensée de tout ce sang le rappela bien vite à sa vraie nature : il avait adoré tuer. C’était indéniable, c’était imprimé dans ses gênes à présent. La plus grande peur de Lincoln venait de prendre forme. Son côté vampire avait pris le dessus et il lui était à présent impossible de revenir en arrière. Il se devait de faire le deuil de son ancien ‘lui’, et seul. Il ne voulait pas retourner au motel où il logeait. Du moins pas ce soir. Et si Klaus avait réellement besoin de lui, il avait toujours son portable sur lui. En réalité, l’hybride avait toujours aussi peur d’affronter le regard des autres. Ses collègues hybrides ne le jugeraient pas mais qu’en était-il des humains ?

Il décida de passer la nuit dans une ruelle déserte. Il finit par s’endormir la tête sur les genoux. La lumière du jour ne fut pas suffisante pour le sortir des bras de Morphée. Heureusement, Maggie était sur sa route et qu’elle l’avait remarqué. Lincoln ne réalisa pas de suite qu’il connaissait très bien la jeune femme. Il ne voyait en elle qu’un casse-croûte. La tête toujours contre ses genoux il ouvrit subitement les yeux à l’appel de Maggie. Ses yeux prirent une couleur ambrée. Voilà qu’il avait soif de nouveau et que sa proie venait à lui. Que demander de plus ? Il se releva à vitesse vampire et faisait face à Maggie tout croc sorti. Il lui attrapa le visage pour l’immobiliser puis…

« Maggie… » il lâcha son visage et prit un sourire mauvais « Ca fait un bail...» Puis il enchaîna quand il vit qu'elle avait pris sa voiture, surement pour se rendre sur le lieu du carnage. « Tu sais il n’y a rien plus personne à sauver là-bas, tu devrais plutôt contacter la morgue… Et partir vite d’ici. » dit-il en tentant de se contenir. « Parce que je rêve actuellement de percer ta carotide et de te vider de ton sang. »

Inutile de cacher sa véritable nature, il n’en avait plus honte. Même s’il risquait d’être pourchassé comme une vulgaire bête. A présent, les humains devaient se sentir terriblement faibles face aux créatures qu’étaient les vampires. Le carnage de la fête forraine allait servir d'exemple et cela flattait l'égo. Et puis, Lincoln était pltuôt impressionné de susciter une telle crainte. Lui, qui prêchait une vie de vampire parfaitement intégré à la société, était entrain de se détourner de tout l’enseignement que Brooke lui avait procuré. Pourquoi boire en poche quand du sang chaud et frais est à votre disposition ? Pourquoi rejeter sa nature maintenant que le monde entier était au courant ? Tout cela n’avait plus de raison d’être. Au diable Brooke et ses manières de bon vampire. Bonjour à la décadence !

Il ne put retenir un soupire lorsqu’il vit Maggie bouleversée par ce qui était entrain de se passer. Lincoln semblait avoir réveillé en elle ses pires craintes. Elle venait de prendre de plein fouet cette réalité avec laquelle elle cohabitait depuis toujours. Il fallait bien que quelqu’un lui ouvre les yeux et l’hybride se sentait légèrement agacé de devoir endurer son traumatisme psychologique. Il devait bientôt repartir. Bientôt des hordes de chasseurs seraient aux trousses des hybrides et des vampires en général. Le Harper continua à la fixer malgré qu’elle soit tombée. Il croisa les bras. Voulait-elle lui faire un mélodrame ?

Surpris par la rapidité à laquelle Maggie réagit à sa menace, il ne put éviter cette main qui vint frapper son visage. Il prit instantanément son apparence de vampire mais se retint d’attaquer. Il serra ses poings, reprit son calme et son apparence humaine.

« M’aider ? Je n’ai pas besoin d’aide. » dit-il froidement, rejetant ce qu’il était avant d’éteindre ses sentiments. « Comme tu peux le voir, je vais on ne peut plus bien ! » dit-il en se désignant.

Il ne lâchait pas Maggie des yeux, la voir dans un tel état avait quelque chose d’amusant et de pathétique à la fois. Cependant, il restait méfiant vis-à-vis de ses réactions. Quand Lincoln vit ce doigt se pointer sur lui, il arqua son sourcil. Que voulait-elle à présent ? Devait-il se sentir coupable de ce doigt pointer sur lui ? Il croisa les bras et s’adossa contre le mur. Puis il entendit son nom. Les coins de ses lèvres s’étirèrent en un sourire.

« En personne. » déclara t-il en s’inclinant devant elle. « Enfin, pas le Lincoln que tu as connu. » précisa t-il.  « Parce que celui-là est mort et enterré. Paix à son âme. » termina t-il en regardant le ciel.

Il était loin le Lincoln qui travaillait à l’hôpital avec qui on pouvait blaguer sur tout et n’importe quoi sans qu’il s’en offusque le moins du monde. Il était loin le Lincoln qui ressemblait à n’importe quel humain.

Le changement radical de comportement de Maggie le laissa sur sa faim. Dommage que la jeune femme ne montre pas plus de courage. C’en était presque ennuyant. Lincoln fit une moue déçue et s'approcha d'elle. L'hybride releva le menton de la jeune femme avec son index. Elle devait faire face. Si elle n'y arrivait pas avec lui alors qu'en serait-il des autres?

« Où est passé ta combativité ? La Maggie que je connais ne se serait pas laissé avoir aussi facilement. »

Interdit. C’est la manière donc le Harper réagit à la première attaque de Maggy. Comment savait-elle pour Brooke ? Puis soudain tout lui revint en mémoire, comme un électrochoc. C’était il y a une semaine, il ne se souvenait plus très bien. Lincoln était arrivé à Mystic Falls il y a quelques jours déjà et n’avait rien à faire de ses journées hormis attendre les ordres de Klaus. Rien de mieux pour broyer du noir. Alors pour tuer le temps et sa peine, il buvait, pas un peu, beaucoup, voir passionnément.. Il avait fini par se retrouver à l’hôpital, interpellé par la police locale au Mystic Grill. Un seul mot pouvait le décrire à ce moment là : minable. Quand Maggy le prit en charge, elle ne le reconnut pas de suite. Cela faisait longtemps qu’il ne s’était pas vus et elle ne s’attendait surement pas à voir débarquer son collègue qui était sensé être loin d’ici. Lincoln, de son côté, se fichait de tout ce qu’il se passait autour de lui. Il n’avait même pas fait attention à Maggy, avachi sur une chaise, le regard ailleurs. L’hybride avait fini par reconnaître sa voix. Elle venait de l’appeler, les yeux rivés sur la fiche d’admission à l’hôpital. De fil en aiguilles, Lincoln avait fini par lui révéler la vérité sur Brooke. Comme un besoin urgent de se confier, une fois de plus. Lincoln avait même pleuré. Mais très vite, il se reprit : non, il n’avait pas besoin de sa pitié. Il pouvait s’en sortir seul et elle n’avait pas besoin de le voir dans une aussi faible position. Alors…

« Attends, comment sais-tu pour Brooke… J’étais sur de t’avoir effacé la mémoire. » Puis, soudain il réalisa que cet échec n’était pas forcément de lui. « De la verveine je suppose ? Au moins tu te protèges un minimum, c’est bien. » dit-il inconsciemment comme si un brin de lucidité avait émergé de ce sombre personnage.

Se rendant compte que Maggy savait tout le rendit soudainement vulnérable. Il serra la mâchoire et les poings. Il se retourna un instant et tenta de se calmer. Eteindre ses émotions. Ne rien laisser l’atteindre. Etouffer cette rancœur et cette colère pour ne plus avoir à souffrir. De nouveau calme, il se retourna vers Maggy et reprit.

« Qu’importe qu’elle soit déçue, elle ne sera plus jamais là pour me le faire savoir. » dit-il simplement.

Puis Maggy enchaîna avec un pamphlet sur l’hybride. Touchant, très touchant, ce discours aurait eu l’effet escompté s’il avait été prononcé il y a quelques jours avant qu’il n’éteigne son humanité. Lincoln se contenta de croiser les bras et laissa Maggy déballer son flot de mots haineux à son encontre. Certes, ils avaient été bons collègues mais se connaissaient-ils vraiment ? La jeune femme ne savait rien de la vie de son collègue.

« C’est très marrant d’éteindre ses sentiments. Je ne ressens ni culpabilité ni besoin de me justifier. Mais comme je suis gentil, je vais le faire. » Il toussota comme pour se prendre au sérieux. « J’ai fais un choix, je l’assume et ses conséquences aussi. Je tue ? Si je l’avais vraiment voulu, cela fait longtemps que ta tête aurait quitté ton corps. Je ne pense pas encore avoir perdu la raison. Je me voile la face vis-à-vis de Brooke ? Plutôt vrai. Cependant, crois-tu qu’elle soit la seule raison pour laquelle je me retrouve dans cet état ? Que connais-tu de moi ? Pour toi je ne suis qu’un simple collègue, qui volait à l’hôpital –en plus-. Alors ne viens pas me juger. Tu ne sais rien de moi. »

Non, elle ne connaissait rien. Son enfance, sa famille qui l’avait rejeté, la solitude, l’armée, Kelly qui était morte par sa faute, Aerin qu’il n’avait pas pu sauver lors de la chasse aux loup-garous. Les gens auxquels il tenait disparaissaient un à un. Il s’était senti si impuissant et déboussolé qu’il avait envisagé de mettre fin à ses jours mais Brooke avait toujours été là pour lui prouver le contraire. Et maintenant qu’elle n’était plus là, qui allait le faire ? Il était fatigué d’entretenir toutes ses peines accumulées. Il avait essayé de se montrer fort mais aujourd’hui il ne voulait plus de ces remords, de pensées amères.

Et le regard de Maggy à son encontre reflétait exactement ce qu’elle éprouvait. Ce même regard que Kelly avait lorsqu’elle découvrit que Lincoln n’était pas quelqu’un de normal. Les humains ne pouvaient que rejeter ce qui leur était différents et difficiles à appréhender. Il regarda Maggy droit dans les yeux et ignora son attaque sur son côté pathétique. « Avoue-le Maggy, si tu avais su que j’étais un vampire, tu aurais eu peur, comme aujourd’hui, car c’est comme cela que les humains réagissent devant des monstres. Alors n’essaie pas de me faire croire que je peux être sauvé. »

Cette conversation le rendait de plus en plus mal à l’aise. Même s’il ne le montrait pas, Maggie le mettait face à ses faiblesses. Et le Harper avait la fâcheuse tendance à fuir si le cas se présentait. A croire qu’éteindre son humanité n’effaçait aucun défaut. Au contraire, elle les masquait mais les problèmes finissaient toujours par refaire surface, bien violemment.

Maggie arrivait à réfuter tous ses arguments. Et au fond il savait qu’elle avait raison. Et pourtant, il ne voulait pas l’entendre. Il était brisé et ne voulait plus entendre parler de sentiments. Il voulait juste enterrer le peu d’humanité qu’il lui restait pour arrêter de souffrir. Si son frère le voyait, il se moquerait bien de ce Lincoln faible. Enfin, il ne pouvait pas compter sur sa famille. Et encore moins son frère.

« Je ne suis pas un mec intéressant de toutes les manières. »

Avait-elle réellement envie de le connaître ? De connaître son passé ? De l’apprécier ? Il en doutait fort. Et puis il aurait peur qu’elle disparaisse à son tour, comme les ‘autres’. Et les paroles de Maggie ne firent que renforcer ce sentiment. Alors comme ça, cela lui avait plaisir de revoir Lincoln à l’hôpital ? Il ne put empêcher un regard étonné et quelque peu touché. Quelqu’un pensait à lui sans avoir l’air de le juger et avec toute la bonté dont elle était capable. Cette pensée lui arracha un sourire, un peu gêné.

« Désolé si je t’ai inquiété. Je ne pensais pas… » Il ne sut comment terminer sa phrase. C’était bien trop difficile à avouer. Avouer qu’il était parti pour et à cause de Klaus et qu’il n’avait absolument pas pensé à ceux qu’il avait laissé derrière à Mystic Falls. Même s’il avait fait ses adieux à Aerin et Hope, il ne pensait pas que l’une d’elles finirait entre les griffes des chasseurs de la ville. Son cœur se pinça, s’il avait été là, il aurait pu la sauver elle aussi. Et peut-être qu’elle l’attendrait devant chez lui, comme elle aimait bien le faire avec son sourire toujours aussi communicatif. Aerin était sa petite sœur, pas de sang certes, mais une sœur malgré tout. Même s’il s’était transformé en hybride, elle ne l’avait pas jugé contrairement à son frère.

Jamais il ne s’était senti aussi seul. Cette solitude le tuait à petit feu. Personne ne se souciait de lui car les gens autour de lui disparaissaient les uns après les autres. Mais voilà que Maggie débarque de nulle part, comme une fatalité. Il sentait sa peur et pourtant, elle restait là plantée devant lui à essayer de le sauver. Merde, pourquoi cela le rassurait-il ? Et pourquoi ces mains qui se serraient autour de ses avant-bras semblaient-elles si rassurantes soudainement ? Il releva son regard sur Maggie, la mâchoire se serrant. Il n’arrivait pas à comprendre l’intérêt qu’avait la jeune femme à vouloir à tout prix le raisonner.

« Tu as raison. Je suis encore capable d’être ‘moi’. Et au fond, ça me tue. Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à surmonter tout ça ? »

Il resta interdit un instant, se maudissant intérieurement d’être trop humain. Comment cette chose si humaine qu’était la sensibilité avait pu le mettre dans un tel état ?

« Pourquoi ? Pourquoi fais-tu tout ça ? Tu sais ce que je suis, pourquoi ne veux-tu pas fuir et reprendre ta vie ? Tu as surement quelqu’un à qui tu tiens, que tu aimes, alors pourquoi cherches-tu à sauver une âme perdue ? »

Il avait toujours envié les humains et leurs vies ordinaires. Depuis sa naissance, il lui fallait éviter d’activer la malédiction. Cela n’était pas très difficile étant petit mais plus les années passaient plus la probabilité de tuer quelqu’un devenait grande. C’en était à devenir paranoïaque. Influencé par son frère dans son adolescence il avait un moment rêvé de pouvoir être un loup-garou mais sa mère finissait toujours par le remettre dans le droit chemin.

Maggie avait tout ce dont rêvait Lincoln : une vie tranquille loin du surnaturel. Enfin, ça c’était avant le coming out des vampires. Il ne pouvait s’empêcher de vivre dans le passé, et si cette révélation n’avait jamais été faite ? Et s’il n’avait jamais tué en Afghanistan ? Et s’il n’avait pas eu ce gène de loup-garou ? L’hybride s’imaginait ayant une vie des plus banales, où personne ne le craindrait, où tout le monde l’ignorerait. Alors… est-ce qu’une petite infirmière comme Maggie était plus intéressante ?

« Tu ne sais pas ce que je donnerai pour avoir une vie comme la tienne. »

Il semblait las. Comme s’il avait renoncé à essayer d’avoir un quotidien normal. Ce qui en soit était bien sûr impossible. Il était aussi las d’être seul. Lincoln n’avait jamais eu réellement de chance côté cœur, spécialiste des histoires sans lendemains ou des histoires compliquées (cf Brooke Blackwood), il ne s’était jamais réellement investi dans une relation. Avec Kelly, leurs métiers ne leur permettaient pas de se côtoyer de trop prêt. Avec Brooke, c’était l’amour impossible, elle en aimait un autre. Cependant, après le suicide de Brooke, il n’envisageait pour l’instant pas l’intention de se consacrer à la gente féminine. A moins que…

« J’ai l’impression de quémander de la pitié… » dit-il gêné face à tant de compassion.

Pouvait-il réellement se laisser aller ? Pouvait-il lui faire confiance ? Ces questions se posaient mais restèrent enfouies au fond de sa conscience. Car il avait lâché prise aux mots de Maggie. Voilà l’épaule sur laquelle il allait pouvoir s’épancher.  Enfin s’épancher rapidement car on l’attendait à la Nouvelle-Orléans. Son temps ici était compté. Ce qui le poussa à remettre de la distance entre eux. Il l’avait martelé de questions. Pourquoi ce soudain intérêt ? Alors quand elle ne répondit pas et que la jeune femme baissa les yeux. Lincoln avait touché la corde sensible. Après tout, qui oserait prendre parti pour un monstre tel que lui ? Soudain, elle se mit à lui crier dessus. Non pas pour l’engueuler (même le ton pouvait le laisser penser) mais plutôt pour lui faire comprendre son intérêt. Il resta un moment silencieux et abasourdi par ce qu’il venait d’entendre. Lui qui n’avait eu d’yeux que pour Brooke, il n’avait rien remarqué vis-à-vis de Maggie. Et pourtant, tout semblait clair à présent. Même s’ils se chamaillaient souvent pour des broutilles au fond il s’appréciaient.  Ils venaient à peine de se revoir et pourtant, ses mots l’avaient sorti de sa noirceur. Alors, quand il vit les mains de Maggie tremblées, il ne put s’empêcher de la prendre dans ses bras, sans la brusquer, calmement.

« Merci. Je crois que maintenant moi non plus je n’ai pas envie de te perdre. »

Elle ajouta que des gens l’attendaient ici, dans ce patelin de Mystic Falls.

« Je ne pensais même pas que quelqu’un m’attendrait un jour. »

Il ne pensait pas que cela pouvait lui arriver. Cette tendance à voir le verre à moitié vide lui coutait chère. Lincoln ne desserra pas son étreinte. La portée de ses mots l’avait dépassé. Il avait blessé la jeune femme en la martelant de ses questions et s’en voulait. Maggie était fragile. Et comme à son habitude, il avait été maladroit. Il ne pouvait que lui en être reconnaissant. Cependant, il avait cette peur, qu’il connaissait plus que bien. Cette peur de la perdre.  

« Es-tu sûre ? Non pas que je veuille te faire peur. Je… J’ai peur de ne pas réussir à te protéger. Et de mon côté, ma vie n'est plus à Mystic Falls. »

Il ne pouvait pas rester plus longtemps, bientôt Niklaus rappellerait ses troupes, surement encore un de ses plans mégalos pour la Nouvelle-Orléans. L'hybride allait surement devoir tuer. Maggie l'accepterait-elle? Car il le savait, il n'irait pas à l'encontre de son chef. Et il n'avait pas envie de compter Maggie parmi les dommages collatéraux.

Après avoir perdu tant de personnes dans sa vie, Lincoln ne pouvait s’empêcher de vouloir protéger ceux qui lui étaient chers. C’en était presque devenu pathologique depuis la mort de Brooke. Il se sentait totalement en échec et son côté protecteur n’aidait pas vraiment. Alors que Maggie s’attache à lui était pour lui synonyme de devoir même si la jeune femme ne partageait pas son opinion.

« J’ai perdu trop de gens autour de moi pour ne pas avoir envie de les protéger. C’est plus fort que moi. »

Inconsciemment, il se sentait redevable envers Maggie. Elle lui avait ouvert les yeux : l’extinction de ses sentiments lui était impossible à présent. En conséquence, le seul moyen de payer sa dette était de pouvoir la protéger. Qui sait ce qui pouvait lui arriver à Mystic Falls ? Après tout, cette petite ville n’était  que trop réputée pour ses créatures surnaturelles et faits divers. Mais à la Nouvelle-Orléans, c’était pire encore. Alors quitte à choisir, il préférait la savoir dans un environnement qui lui était familier. Il se résigna donc à la savoir ici.

Encore un peu surpris de l’engouement de Maggie, il ne savait pas comment interpréter ses mots. Attirance ou amitié sincère ? Il ne savait plus sur quel pied dansé. Mais une chose était sûre : il n’était pas encore prêt à commencer une relation. Il avait encore besoin de temps pour faire son deuil et tourner définitivement la page.

Puis, lorsque la jeune femme lui demanda de faire attention à ce qu’il faisait, son téléphone sonna. Il savait exactement ce que cette sonnerie signifiait : un message de Klaus. Il devait rentrer à la Nouvelle-Orléans.

« Ce n’est rien, je répondrai plus tard. » dit-il se voulant plutôt rassurant.

Et pourtant, il le savait le message était un rappel à l’ordre dont il ne voulait pas vraiment entendre parler maintenant. Mais c’était inévitable. Il le savait le chef préparait un grand coup. Et le regroupement des troupes étaient forcément essentiels. Cependant, Lincoln doutait que Klaus mette son plan à exécution dès à présent. Calculateur comme il était, il allait placer ses pions sur l’échiquier. La partie ne faisait que commencer. Et puis, l’originel avait besoin d’imposer sa présence et celle des hybrides à la Nouvelle-Orléans. Marcel devait être asphyxié d’hybrides. Il relâcha son étreinte et plongea son regard dans le sien.

« Je ne peux rien te promettre sur ce point. Cependant, j’essaierai de faire de mon mieux. »

Il ne voulait pas lui avouer qu’il n’était pas maître de ses faits et gestes. Lincoln n’était que le pantin de Klaus et pourtant il ne cessait de se voiler la face sur ce point. L’hybride ne voulait pas ajouter des soucis à Maggie. Elle avait eu sa dose de frayeur et d’émotion. Elle avait beau être son seul soutien, il ne voulait pas devenir un poids.

« Je ne fuis pas… j’ai juste fait un choix. » dit-il précipitamment comme s’il avait été piqué au vif. Il semblait avoir pris la remarque de Maggie comme une attaque envers Klaus. Et pourtant, au départ, il avait voulu fuir Mystic Falls après sa transformation mais quelque chose l’en avait empêché. Cependant, Lincoln n’avait pas réussi à identifier cette subordination, il se disait simplement que la vie était faite ainsi. Il ne réalisait pas du tout le lien qui l’unissait à Klaus. Mais peu à peu, il se rendait compte qu’il s’était isolé de tout et surtout des gens. Tout ce qui comptait était les mots qui sortaient de la bouche de l’originel. Mais Brooke et Tyler étaient venus mettre leurs grains de sel. Ce qui lui avait sauvé la mise. Enfin, ça c’était avant qu’il ne s’embrouille avec Tyler et qu’il ne perde Brooke. Qui lui restait-il ? Wayne et Klaus. Voilà pourquoi il était redevenu aussi docile et violent.

« On se reverra Maggie, je te le promets. » dit-il sérieusement. Mais cette ambiance solennelle le gêna très vite et il tenta de changer la donne.  « Et puis, je ne suis pas si facile à tuer. » dit-il en plaisantant.

Puis il hésita un instant sur la réponse à donner à la jeune femme concernant ce qu’ils venaient de se dire. Si, bien sûr il pouvait être tué. Mais difficilement comparé aux humains alors, il ne voulait pas y penser, ni l’envisager. Et il n’était pas seul à la Nouvelle-Orléans. Le Harper pouvait compter sur les autres hybrides. Il y avait une chose qu’il ne pouvait pas promettre : ne pas tuer. Car si Klaus lui demandait, il le ferait. Mais si l’ordre n’était pas explicitement de tuer, l’hybride avait tendance à faire l’anguille. Ce qui lui valait de nombreuses remarques de la part des hybrides mais il préférait la jouer hybride pas doué plutôt que tueur né.

« Tu m’as aidé malgré le fait que je sois un monstre, que j’ai failli te tuer… Alors bien sûr je n’oublierai pas ce que l’on s’est dit. Mais je ne peux pas te promettre de ne pas faire du mal à des innocents car… Cela ne dépend pas de moi. » dit-il en détournant le regard comme s’il avait honte.

Lincoln venait peut-être de tout gâcher mais il préférait jouer cartes sur table. Peu à peu, la peur commençait à l’envahir. Et si Maggie renonçait à l’aider ? Et s’il se retrouvait de nouveau seul ? Dans ce cas, avait-il d’autre échappatoire que de vouloir renoncer à ses émotions ? Son cœur se pinça rien que de penser à ce qu’il pouvait devenir et faire comme atrocités.

« Je sais que tu dois être déçu et je comprendrai que tu ne veuilles plus m’aider. » dit-il amèrement en lui tournant le dos et prêt à partir si Maggie le rejetait.

Il appréhendait tellement sa réponse qu’il ne voulait pas la connaître. Lui tourner le dos n’était pas un geste de lâcheté, seulement de peur. Allait-il affronter ses démons seul de nouveau ?