La 3eme condition / Alice

Des parents dévastés étaient arrivés à mon bureau, suppliant que je retrouve leur petite fille. Ils étaient humains et ne pensaient pas pouvoir demander de l’aide à d’autres personnes qui, comme un sorcier, auraient pu retrouver peut-être leur enfant. Ils craignaient le surnaturel et malheureusement, vu mon travail officieux qui prenait la poussière en ce moment, je me voyais mal travailler en équipe avec un ou une sorcière qui verrait peut-être d’un mauvais œil que je tue les vampires qui sortent du droit chemin. Il était toujours pénible pour moi d’entendre qu’un enfant avait disparu. Parce que je ne les retrouvais pas toujours… Cela faisait déjà une semaine que cette affaire était devenue ma priorité. Andréa était partie chez ses grands-parents prendre l’air et surtout éviter la rentrée scolaire. Je n’étais pas une tutrice stricte et surtout, je savais qu’elle rattraperait très vite ces deux semaines de différences avec ses autres camarades. Alors je ne faisais plus que travail, travail, travail. Jusqu’à ce qu’un policier assez sexy vienne à ma rencontre. On pouvait dire qu’il tombait à pic pour plusieurs raisons. Déjà parce que mes contacts étaient de plus en plus mutés vers d’autres villes, alors mes liens avec la police commençaient à diminuer… Et par la même occasion, on me laissait moins souvent jeter des coups d’œil aux dossiers et informations que leurs bases de données pouvaient contenir.

Il était plutôt craquant alors comment refuser son affaire ? Surtout qu’elle était intrigante et des plus étranges. Comment la police pouvait classer un meurtre sur l’un de leur propre agent… Bien sûr, au travail, je me gardais de tout commentaire. La dernière fois que j’avais eu un dossier de ce genre, c’est par ce que la police y était mêlée… Je n’avais plus qu’à espérer pour le beau brun que ce ne soit pas le cas. Mais il fallait que notre échange soit donnant donnant, alors je me permettais un caprice personnel. Combien de fois on pouvait laisser passer sa chance parce que l’on rencontrait une personne séduisante et intelligente à son travail et qu’il était déplacé de l’inviter ? J’étais libéral après tout, et vu comment je menais à bien mes enquêtes personnelles, il était peu probable qu’un client outré par mes avances détruise mon affaire. Qui ne tente rien n’a rien, après tout.

Avant de me rendre au rendez-vous, j’avais commencé à me pencher sur l’affaire de mon nouvel allié dans la police. Sa coéquipière ne semblait pas, aux primes abords, avoir déjà eu des soucis, des personnes qui l’aient menacée auparavant. Mais la particularité de ce nouveau monde, c’est que l’on pouvait être tuée tout simplement parce que l’on représentait une race, une communauté, un cercle. Les affaires humaines étaient bien plus simples parfois, donc j’allais devoir sans doute plonger des nuits entières dessus, mais ça ne me dérangeait pas. Bien que je privilégie toujours les vivants avant les morts, je craignais toujours que la petite finisse par franchir cette barrière. Mais la morosité était à remettre à plus tard. Pour l'heure j’avais un rencard et une fois rentrée chez moi, il allait de soi que j’allais me changer pour l’occasion.  Alors même s’il le prenait que pour un verre amical, j’étais persuadée que je passerais tout de même une soirée en bonne compagnie.

Enfilant ma robe rouge, réajustant mon maquillage, je regardais du coin de l’œil l’heure pour ne pas me mettre en retard. Attrapant ma veste au passage, je me rendais à pieds au lieu de rendez-vous. Le Mystic Grill était le bar le plus en vogue à Mystic Falls, mais cela m’ennuyait depuis quelques temps d’aller toujours au même endroit. Pour fuir Jack, j’avais l’habitude d’être en mouvement perpétuel et ma vie avait considérablement changé depuis que j’avais posé bagage ici. Le fait d’avoir récupéré la garde d’Andréa jouait beaucoup aussi, il fallait l’avouer. Le monstre qui avait fait de moi une chasseuse semblait s’être évanoui dans la nature et c’était une bonne chose, je n’avais plus qu’à croiser les doigts pour qu’il ne refasse pas surface et que le moment venu, je puisse contourner le sortilège qui m’empêche de le tuer jusqu’ici.

Passant le bas de la porte du bar, je me serai presque attendue à ce que des chats vivent ici avec un tel nom. Il ne me fallut pas longtemps pour repérer le charmant policier à qui j’avais donné rendez-vous. « Mince, j’espère ne pas t’avoir fait attendre trop longtemps… » Quand on invite un jeune homme à boire un verre, le vouvoiement semble des plus factices. En plus, si nous étions amenés à travailler ensemble pour son enquête ou les miennes, autant brûler les étapes et instaurer une relation beaucoup moins austère. Retirant soigneusement ma veste avant de m’asseoir en face de lui, je gardais toujours ce petit sourire à la fois amical et charmeur. « Avoue qu’il y a plus désagréable comme condition pour recevoir de l’aide de ma part, non ? » Question rhétorique plus pour plaisanter qu’autre chose. « Je crois que tu en sais déjà suffisamment sur moi pour l’instant… Autant tenter de briser la glace tout de suite, ça fait longtemps que tu vis ici ? » Discrètement, je mettais mon portable sur silencieux. Après tout, personne n’avait besoin de me contacter dans la soirée.