feat. Lisbeth & Niels
Les semaines se suivaient et se ressemblaient. Travail, travail, chasse, travail, rhum, la même rengaine encore et encore depuis le retour de Beth. Il fonçait tête baissée dans n'importe quelle distraction lui permettant d'éviter de penser au fait qu'il avait été probablement le pire père du monde cet été, acceptant sans rechigner cette histoire de vacances tandis que sa fille se faisait torturer par une tarée. Niels sentait qu'elle lui filait entre les doigts, qu'elle s'éloignait indubitablement malgré ses efforts constants pour la garder près de lui, en sécurité. Quoique visiblement ses côtés n'étaient pas vraiment les plus sûrs, puisqu'elle s'était faite enlevée dans sa propre ville et il avait été incapable de l'en empêcher. Elle se plongeait corps et âme dans une espèce de nouvelle vie, acceptant une colocation avec un jeune inconnu blindé aux as - soit un dealer, soit un voleur, soit un pourri gâté donc -, s'achetant une moto comme si elle n'avait pas assez frôlé la mort ces derniers mois. Alors il avait essayé de la raisonner, d'argumenter, vraiment, mais il sentait une distance se créer, un écart se creuser, plus il voulait la préserver plus elle s'éloignait. Il avait donc eu recours à une méthode ayant fait ses preuves, boire jusqu'à tomber, chasser jusqu'à combler le vide, travailler jusqu'à oublier.
Aujourd'hui, le shérif avait pris un jour
off. Officiellement, il avait besoin de travailler sur des dossiers importants au calme, et vu le brouhaha continu du commissariat il les avait emporté à la maison. Officieusement, il en avait juste assez du monde autour de lui, il voulait juste profiter du vide de la maison pour faire le point, en quelque sorte. Boire un verre ou deux, travailler quand même un peu, voir sa fille. C'était tout ce dont il avait besoin pour le moment et il s'en contenterait. La tentation d'aller acheter une bouteille était présente, omniprésente même ; il ne se leurrait plus, s'il avait cru un instant gagner quelques batailles il fallait se rendre à l'évidence, il restait sobre au boulot, à la chasse et durant quelques occasions exceptionnelles, mais rien de plus. Alors à la maison il avait travaillé, fait quelques courses, s'était activé jusqu'à ce la soirée soit bien entamée, recontacté Beth - inutile qu'elle bosse jusqu'à minuit, surtout vu les taches peu distrayantes dont elle avait la charge jusqu'à ce que Niels soit décidé à ajouter "chasse aux criminels" à la liste non exhaustive de dangers auxquels sa fille se frottait - et il entendit la sonnette.
D'ordinaire le son strident aurait été suivi d'un "
c'est ouveeeeert !" balancé par Say ou Andy depuis leurs chambres, mais il n'y eut que le grincement du canapé lorsque le chasseur se leva pour aller ouvrir. Cela lui faisait honnêtement très bizarre d'aller ouvrir la porte de sa maison à Beth, il n'était pas encore bien habitué au fait qu'elle ne vive plus ici. Même s'il était intimement convaincu que partir dès son retour n'était pas le meilleur choix, il espérait juste qu'elle se remettrait de son expérience dans de bonnes conditions, le plus rapidement possible, et accessoirement qu'elle arrête la coloc avec ce mec que Niels ne pouvait déjà pas supporter. Il ouvrit la porte, un léger sourire aux lèvres. Il la serra brièvement dans ses bras, comme pour se rappeler qu'elle était bel et bien de retour. Le chasseur n'avait jamais été vraiment démonstratif ou tactile mais là il devait s'assurer qu'elle était réelle, puis il se sentait environ douze mille fois plus protecteur qu'avant alors elle n'échappait pas aux étreintes du daddy. "
Hey Beth. Content de te voir, ça fait un bail que je t'ai pas eu juste pour moi !" Il ne comptait pas les fois où ils se retrouvaient ensemble au poste, puisqu'ils bossaient et n'avaient pas vraiment le temps de discuter plus d'une minute tranquillement. Il se décala pour la laisser entrer dans la - sa - maison et se dirigea machinalement vers la cuisine. "
Tu veux boire quelque chose ?" La porte du frigo était blindée de boissons en tout genre, il se demandait parfois si Andy ou Cléo ne braquaient pas des distributeurs de cannettes vu le choix impressionnant de sodas et bières à disposition.