J’avançais dans le grenier du manoir Johnson à allure lente. La progression était difficile, je devais éviter tous les objets entassés par ma grand-mère … Ma grand-mère et pas seulement. Tout le monde avait la sale manie de venir entreposer ses débris dans le grenier du manoir familial. Pourquoi ? Parce que dans leur intelligence supérieure, personne de ma famille n’avait eu la bonne idée de construire une cave ou un grenier dans leur somptueuse maison, ou encore de louer un garde-meuble. Je les haïssais tous et plus particulièrement en cette période de fête. Nous nous retrouvions tous dans cette grande demeure pour fêter Thanksgiving. Une fête humaine, indigne de notre sang … Je ne comprenais pas pourquoi la majorité des miens s’entêtait à faire comme s’ils étaient mortels, alors qu’ils ne l’étaient pas. Du moins, ils étaient mieux que des mortels. Après un bref repas, je m’étais donc éclipsé et étais monté dans le grenier en faisant le moins de bruit possible … En même temps, j’aurais pu monter les escaliers comme un mammouth que personne ne l’aurait entendu. Mon oncle Clyde dormait comme une souche et ronflait à en faire trembler les murs …J’arrivais enfin au bout de mon périple, les vieux grimoires et les arbres généalogiques. Cela faisait maintenant dix ans que j’étais au courant que j’étais un sorcier … Mes parents me l’avaient dit à mes dix ans et m’avaient enseigné tout ce qu’ils savaient, m’apprenant à me contrôler et à utiliser la terre comme source d’énergie. Mais j’avais toujours voulu plus … Toujours et cela avait effrayé mes parents, plus particulièrement ma mère d’ailleurs. Elle avait donc banni tous les grimoires susceptibles de me porter préjudice. Et devinez où est-ce qu’elle les avait entreposés ? Chez ma grand-mère. J’étais déjà venu ici, cela faisait trois ans qu’à la même période de l’année, je venais dans cette partie du grenier, que je sortais ce que j’avais caché l'année précédente et que je continuais à étudier, encore et encore. Ce soir donc, je touchais enfin au but … Ma famille descendait d’une longue lignée de sorciers venus d’Europe lors des migrations protestantes, une de mes ancêtres, Elizabeth, avait été brûlée pour sorcellerie en 1692 lors des procès de Salem. Mais pire encore, contrairement à ce que ma famille m’avait toujours affirmée, nous étions loin d’être de fervents défenseurs de la nature … Ma mère était en effet de la famille de Catherine Deshayes, une célèbre empoisonneuse française, qui cause un grand trouble sous le règne de Louis XIV. Et par chance, ou par malheur, selon votre opinion … J’avais retrouvé un de ses grimoires, ramenés par sa fille lorsqu’elle quitta la France. La Voisin utilisait une magie très noire, à laquelle j’avais réfléchi toute l’année et j’allais enfin pouvoir tenter quelques petits tours … «
Que fais-tu ici ? » Une voix me rappela à la réalité. Ma petite sœur, Catelyn, se tenait devant et me regardait d’un air effrayé. «
Tu sais que ces livres sont interdits n’est-ce pas ? Tu le sais ! » Je restais silencieux. «
Repose ce livre Pierce, repose-le ! » «
Tais-toi ! » «
Range ce livre Pierce ! Tout de suite ! » «
Tais-toi ! » «
Je vais prévenir maman. » Je me levais et faisais claquer la porte du grenier. «
Tu n’iras nulle part. » Cette nuit-là, ma sœur perdit la vie et j’ai fui les miens. Je savais que ces trois ans à étudier la magie noire ou expression m’avait changé, cette magie aurait supprimé quelque chose en moi, quelque chose qui ne reviendrait pas.
«
Cousin. » Je m’asseyais en face de ma cousine Sally en souriant. « Cousine. Comment te portes-tu ? » Sally contracta la mâchoire pendant que je tapotais la table avec mes doigts. «
Je vais mieux. » Je souriais malicieusement avant d’attirer l’attention de la serveuse, qui arriva bien vite. «
Un café serré sans sucre. » J’adressais un battement de cils à la jeune femme qui repart aussitôt. Une longue période de silence s’installa. Je regardais par la fenêtre en sifflotant alors que Sally me dévisageait, ne faiblissant pas l’intensité de son regard. La serveuse revint et posa ma commande sur la table avant de se tourner vers ma cousine. « Non. Merci. » J’attrapais ma tasse de café et buvais une gorgée avant de la reposée dans sa coupelle. «
Je vois que tu as choisi un lieu public cousine. » Je plongeais mon regard dans le sien. «
Bien essayé, mais tu sais aussi bien que moi que je n’ai que faire de ces petits humains. » Je penchais la tête et buvais une gorgée de ma tasse. «
Tu as ce que je t’ai demandés ? » Sally souleva un sac à dos qu’elle posa sur la banquette avant d’en sortir une pile de livres anciens. Je comptais intérieurement avant de tordre mes lèvres. «
Il en manque un. » Sally ne semblait pas surprise. Je tournais la tête lentement vers elle et souriais. «
Cousine, il en manque un. J’avais dix douze, pas onze. » «
Je ne te donnerais pas le dernier. » Coupa Sally. Je plissais les yeux et lâchais un petit rire amusé. «
Pourquoi ? » Ma tasse se brisa. «
Contrôle tes dons Sally, tu ne voudrais pas qu’un humain soit blessé par ta faute. » La coupelle se fissura à son tour. «
Tu es en train de dépouiller les tiens ! Tu me forces à les trahir ! Et ça te fais ni chaud, ni froid ? » Je serrais les dents avant de me lever. « Douze ma cousine, pas onze. Tu as six heures, après quoi, je viendrais le chercher moi-même. » Je me dirigeais vers la sortie, mes livres rangés dans mon sac à dos et claquais la porte en sortant. Au même moment, toutes les vitres du café explosèrent.
La porte s’ouvrit dans une bourrasque de vent. «
C’est moi. Je suis rentré. » Hurlais-je en foulant le parquet du hall d’entrée. Ils étaient tous là, cachés, je le sentais. Pensaient-ils vraiment me prendre en embuscade ? «
Père ? Mère ? Grandma ? Mes tantes ? Ne soyez pas timide, venez m’embrasser. » J’observais un silence, puis riais à gorge déployée. «
À votre convenance. » Murmurais-je avant de faire exploser une lampe et de mettre le feu au meuble sur lequel il était posé. Je traversais pièce après pièce, faisant exploser les luminaires sur mon passage et les éventuelles cachettes où les membres de ma chère famille auraient pu se cacher. Personne n’était au rez-de-chaussée. La maison était sur trois étages, dont l’un était les chambres et le dernier le grenier. Il n’y avait donc que le premier … Bande de traitres, ils s’étaient tous déployés là-bas. J’avançais précautionneusement dans l’escalier sans trop faire de bruit, hélas, c’était trop tard. Combien de personnes ai-je envoyées dans le décor ? Je ne sais pas … Toujours est-il que l’une de mes tantes est passée par l’une des fenêtres, Sally est tombée dans les pommes suite à diverses explosions autour d’elle et j’ai envoyé mon frère s’écraser dans une horloge. Le bureau de mon grand-père, bien sûr. Ils s’étaient réfugiés là-bas. Je faisais exploser la porte et découvrais ma mère, mon père, ma grand-mère et ma deuxième tante face à moi, avec le livre que je voulais poser sur le bureau de feu mon grand-père, le tout auréolé d’une lumière bleutée. Une aura de protection. Pathétique. «
Quel manque de politesse … J’ai oublié de frapper. » J’avançais d’un pas. «
Va-t-en … C’est ta dernière chance. » Lança ma mère à mon intention. «
Pourquoi ? Ce serait du gâchis de couper un tel élan. » J’entendis des bruits de pas derrière moi et commençais donc à me concentrer intérieurement. «
Tu n’es plus la bienvenue Pierce … Vas-t-en ! » Je fusillais mon père du regard. «
Pas sans ce que je suis venu chercher. » Mes yeux l’illuminèrent d’une aura malfaisante. «
Moi vivante, jamais tu n’auras ce grimoire ! » J’affichais un sourire carnassier à l’intention de ma grand-mère. «
Cela peut s’arranger. » Je me redressais et retrouvais un visage serein. «
J’oubliais. » Je portais mon index à mes lèvres et me décalais, laissant apparaitre un de mes cousins en proie à une électrocution, les veines ouvertes, il s’effondra sur le sol après quelques secondes. Ma mère hurla de rage et brisa le sortilège de protection qu’ils devaient former. Ma grand-mère hurla à son tour. J’envoyais mon père s’encastrer dans le mur, collais ma mère à la bibliothèque et paralysait ma grand-mère. Ma tante resta tétanisée et décida à prendre un passage secret de la demeure. Lâche. J’avançais alors doucement en direction du bureau et saisissais le livre, qui s’évapora aussitôt. Je jetais un regard courroucé à ma mère, qui riait de moi. «
Tu ne croyais tout de même pas que nous allions être aussi stupides … » Je me retournais violemment et trouvais ma sœur, le livre en main. «
J’ai perdu trop des miens à cause de cette magie … Tu seras le dernier. » Je foudroyais ma sœur du regard, les lumières se mirent à clignoter, le plancher à trembler. Les ampoules explosèrent bientôt et les bibelots posés sur les meubles chutèrent au sol. Les murs prirent feu au fur et à mesure que je quittais la pièce sur les hurlements de mes parents. Je fus blessé dans le combat contre ma sœur, mais vaincu je n’en suis pas sorti. J’ai laissé son cadavre derrière moi, ainsi que le reste des miens pendant que le manoir prenait feu tel un immense bûcher funéraire.
ANNEE 2015 ► Mystic Falls
«
Monsieur … » «
Johnson. » Coupais-je. «
Pierce Wyatt Johnson. » Je souriais à la secrétaire de la mairie. «
Monsieur Johnson … De l’incendie Johnson il y a quatre ans ? » J’arquais un sourcil. «
Oui, comment le savez-vous ? » Je lui lançais un sourire courtois, même si au fond de moi, j’aurais voulu l’immoler séance tenante. «
Je suis originaire de Salem, ma mère était très amie avec la vôtre, encore toutes mes condoléances. » Je gorgeais mes yeux de larmes et prenais la clé qu’elle me tendait. «
Merci beaucoup. » Elle afficha un air gêné et changea vite de sujet. «
Vous verrez … L’agence immobilière est un peu poussiéreuse, mais parfaite pour commencer. Avez-vous aussi besoin d’un lieu où loger ? » «
Non, merci. J’ai déjà trouvé quelque chose. » En effet, la mort prématurée de mes parents, de ma grand-mère et de ma sœur aînée m’avait laissé seul héritier de leur fortune. J’en avais donc profité. «
Très bien, à bientôt dans ce cas. » J’acquiesçais de la tête et me tournais pour sortir. «
Ah et au fait, bienvenue à Mystic Fall monsieur Johnson. » J’ouvrais la porte et me tournais vers elle en affichant un sourire amusé. «
Merci beaucoup. » Puis je sortais.