Conte sanglant du fond des bois - Pv Niels -

Affalé dans son pick up noir, les yeux rivés sur deux enveloppes de grands format, Oward essayait de se persuader qu'il faisait le bon choix, et qu'il ne devait pas attendre qu'il y ait une autre victime. Sa main droite monta frotter le coté de sa joue habitée par une barbe barbe et il soupira. Cherchant son paquet de clopes dans la portière, il dut y regarder avant de le chopper. Stressé ? Bah un peu , mais bon , ce n'était pas pour lui qu'il avait des doutes, mais sur la sécurité de son fils et de la babysitter. Il était à l'école et lui en jour de congé, ce qui n'était pas un luxe après la semaine de dingue qu'il avait eu . Chemise à carreaux rouge et noir, jean délavé assez large, gros godillots bruns aux pieds, il fixa devant lui. Une femme qui passe en jupette, un type qui ramasse les déchets sur le trottoir, un couple d'ados qui s'embrasse contre un mur, et un chien sans collier qui vient de pisser sur une vitrine. Plus que dix secondes avant que la vendeuse du magasin ne sorte? Ah non , cinq.

Rien ne semblait l'affecter au fond. L'avantage et l'inconvénient quand on est médecin urgentiste depuis un moment , c'est que l'horreur nous semble banale, le résultat précisons-le bien, pas l'acte et ce qui a motivé ça. Oward répugnait toujours autant ces gens là , si inhumain et si égoïstes. Cet atmosphère si violent et si impersonnel qu'était la ville, pouvait renfermer tellement de choses immorales... Et après ça, on jetait les corps dans les fossés... ou bien on allait se défouler là bas, en espérant que ce ne serait jamais trouvé... Pathétique créature qu'était l'humain quand on y pensait mais Oward aimait indubitablement cette dernière. Il ne fallait pas chercher plus loin. Il avait odieusement foi en l'espèce humaine... malgré toute la connerie dont elle savait faire preuve. Il est vrai qu'il n'y avait qu'un con pour se scier la branche qu'il avait sous le cul : l'homme, mais si on y réfléchissait bien , sous cet arbre, il avait un sol, et si on allait chercher encore plus loin , on se rendait compte que rien ne s'était jamais éteint soudainement. La fable des dinosaures était un conte. La vie trouve toujours son chemin et l'homme y avait contribué malgré toutes ses conneries. Et qu'il serait sur cette terre , il ferait en sorte que les choses aillent au mieux autour de lui. Naif grand brun que tu étais Oward... en fait non. Il avait justement trop conscience des réalités , prises dans la gueule trop tôt. Il avait appris à philosopher sur le monde bien trop tôt...bien trop tôt. L'impression d'avoir cent ans...mentalement. Quant au physique, non il ne se plaignait , il aurait fallu être con pour ça.

Ses lèvres pales échappèrent un long filet de fumée dans la voiture. Il observait. Observait... Les pupilles calmes... le visage fermé. Puis il baissa les yeux. Les enveloppes. Allez. Sa main ouvrit la portière du véhicule et il referma lentement , avant de contourner le capot , clope aux doigts, regardant vaguement où il marchait, les pas sûrs et réguliers. Plus aucune hésitation. Il le ferait. Il sortirait les crocs si répercussion il y avait, et qu'on ose toucher à son fils, il détruirait ce foutu monde. Il croisa le regard d'une demoiselle qui passait, et ce fut elle qui le baissa sans rien dire, continuant son chemin. Quoi. Il n'avait rien fait pour une fois. Il se retourna une seconde pour la voir s'éloigner, clope aux lèvres, et jeta le mégot au sol , l'écrasant de ses crampons, pour finalement entrer dans le commissariat. Les nuages n'annonçaient rien de bon dehors. Oward y jeta un rapide coup d'oeil... 13h et quelques. Il s'était juste enfilé un sandwich, tout ça lui coupait l’appétit. Pourtant ce n'était pas faute de bouffer comme quinze d'ordinaire. Oward jeta un bref coup d'oeil à l'endroit. Rien n'avait changé. Dans un coin , deux gamins plein de bleus attendaient et à un autre bureau , une prostituée ... du moins ce qui semblait l'être, et si ce n'était pas le cas, elle devait avoir été arrêté au moins pour exhibitionnisme. Si seulement elle avait été joli... Il faudrait dire aux gens des fois, que les trucs moulants, ça ne va pas à tout le monde... Là en l’occurrence, même ses photos à lui donnait un peu plus faim que cette... euh... demoiselle? En réalité, si l'humanité ne mourrait pas de sa connerie, il mourrait de ce genre de choses, c'en était sûr...

Ne s'y attardant pas pour ne pas se brûler davantage les yeux, il rabattit ses yeux sur comptoir de l'accueil en posant ses enveloppes et ses clefs de voiture.

- Bonjour Monsieur.
- Bonjour, fit simplement Oward. Je voudrais voir un agent de police qui s'occuperait éventuellement d'homicide, voir le sheriff ou un adjoint. C'est un cas serieux.

Il posa sa carte de médecin des urgences.

- Je travaille à l'Hopital depuis plusieurs années, et je crois avoir eu des cas de patients très gravement blessés dont certains décédés, qui sont identiques avec comparaison des clichés... Ça ressemble à un mode opératoire... Et je ne sais pas si je me trompe, mais je connais peut être l'auteur...

L'agent resta un peu bouche bée et prit une des enveloppes...
- Je peux ?
- Je vous en prie.

Il jeta un coup d'oeil et se figea, puis referma avec de gros yeux sous le haussement de sourcil du docteur en face ... Quoi. Une petite nature . Il recrutait dans quoi ici. Il n'avait jamais vu de cochon avant la découpe ? Allez reprends toi petit , me fais pas un malaise sur ton comptoir, que je sois pas obligé de gueuler pour qu'on m'envoie un autre agent plus compétent....

- Hey... ça va ? demanda Oward pour avoir bonne conscience, mais au fond, un léger sourire s’immisçait en lui , comme une preuve supplémentaire que les gens étaient des petites natures...
- Non... je vais chercher quelqu'un ... veuillez rester là s'il vous plait monsieur...

En même temps, où veux-tu qu'il aille. Avec la donzelle aux cuisses XXL à coté ? Diantre non , et vla-t-y pas qu'elle lui fait de l’œil maintenant. Il ferme un coup les yeux et s'appuie au comptoir, la tête dans une main... C'est du propre... non sérieusement , il préférait devenir gay. Sa main passa dans ses cheveux pour se les gratter et il attendit penché sur le comptoir, pensif , jouant avec ses clefs de bagnole d'une main leste. Et si ses soupçons étaient juste.... Si son père était encore en vie, et qu'il était à l'origine de ce qu'il était sans jamais rien lui avoir dit...